INDUSTRIEFRANÇAISE.
-nni———
RAPPORT
SUR
L’EXPOSITIONDE1859.
PAR,
PRAUTTSJ.HA:M°JOBARD,
1811
Longiempscunnaillutié,nagucroalaliuere,L’industiie,autrefoisembryonmeprise,LoTravails’alfranchitctsonjouyscatbrise.Dnussesbrasvigoureuxpresseaujourdliuilaterre.
COUMISNAIBRDUGSOUVPERAITUHRNTBELORÀFans,AOLALESDETILLE,NXLIEGE,DITHAINACT,FRESINENTHOSORAIRFTHBURAFDRTAAOUIRTSD’EVCOURAGYMENTDKFARIS,DRL’ACADÉMIRHEPIJOS.NIDSNCIETRSDKL’ARADÉÈUITEDRL’INDCSTHIL.ETC,
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RodeVoelqesc.
—II—
Letrès-humbleettrès-obéissantserviteur,
JOBARD.
PRÉFACE.
Onnelitpluslespréfacesetl’onatort.MistressOpie.
Ilestplusfacileàunhommeisoléd’acquérirdesconnaissancesquedesefaireconnaître,parcequeletravail,l’étudeetl’expériencemêmenedépendentquedenous,etquelerestedépenddesautres.
Cetteconsidérationnousafaitaccepteravecem-pressement,commemoyen,lamissionquinousfutspontanémentofferteparunministèrequenousavionscombattu,commejournaliste;delàles
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interprétationslesplusoffensantespourleministèreetpournous.Nosennemispolitiques,etnousenavonsrencontréungrandnombre,nousaccu-saientd’avoiraliénénotreliberté;nosamis,etnousencomptonsquelques-uns,accusaientlemi-nistred’avoircherchéànouscompromettre,etnousdissuadaientd’accepterunetâcheau-dessusdenosforcesettroppeurétribuée.
Lamanièredontnousavonsessayéderemplirceltemissionnousjustifierapeut-êtreauxyeuxdenosamisetdeshommesimpartiaux.Quantauxaccusationsdenosennemis,letempsenferajus-tive.Uneseuledoitêtreréfutéeici:c’estcelledenousêtreengraissédessueursdupauvrepeuple,enenlevant22,000francsparan,aubudget.Voicinotreréponse:Onpeutvoiràlacourdescomptesquenousn’avonsétéàpeuprèscouvertdenosavancesqu’uneannéeaprèsnotreretour.Deuxmoisetdemidevoyage,etlesdépensesnécessairespournousfaireremplacer,pen-dantnotreabsence,ontplusqu’absorbél’in-demnitéde4,380francsquenousavonsreçue.Quantautravailquenousacoûtépendantplusd’unanlarédactiondenotrerapport,travaildetouslesjoursetdetouteslesnuits,l’espoird’êtreutileenàétél’uniqueobjetetlaseulerécompense,sansparlerd’uneaffectionmorbidecauséeparun
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excèsdetravailquinouspermettratoutauplusd’a-cheverlatâchebénévolequenousnoussommesim-posée.
Dureste,sinousnousjustifions,nousnenousplaignonspas;l’accueilfaitànotretravailparleshommeslesplusdistinguesetlesmeilleursjuges,saréimpressionenPrusseauxfraisdelachambredecommerced’Aix-la-Chapelle,leshonorablesem-pruntsquenousfontencorelesgrandsjournauxdeFrance,d’Allemagneetd’Angleterre,ajoutésausilencequegardentnosadversaires,toutcelanousdédommagelargementdescalomniesingénieuses,piquantesouatrocesquecettesimplemissionnousasuscitées.
Unseulreproche,fondéenapparence,nousaétéadressépardeuxoutroissavantsdel’ancienneghilde;c’estden’avoirpasmisdansnotrerelationcettegravitéprofessorale,cetaird’importancesavan-tesquequ’ilssontaccoutuméesàrencontrerdanslestraitésdidactiques.
Nousrépondronsquenotrebutétaitdenousfairecomprendredetoutlemonde;etquenousn’a-vonspointeul’intentiond’écrirepourlessavantsquin’ontpasbesoindenosleçons,maispourlespersonnesquinesaventpas.
EnnousattaquantàuneEncyclopédiecomme
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celled’uneexpositiongénérale,nousnepouvionséchapperaureprochebanald’avoirlaprétentiondetoutconnaître;nousrépondronsquenouséchange-rionsvolontierstoutcequesavonscontrecequenousnesavonspas;maisnousserionsbiendisgraciédelanature,si,aprèsavoirtravaillédepuis30ans,de15à18heuresparjour,nousn’étionspasunpeuplusavancéqueceuxquisesontamusésaveclamêmeferveur.
Lapetitesommedeconnaissancesquenouspou-vonspossédernedoitpasnousêtreenviée:ellenousacoûtétropcher;maissanselle,nousn’eus-sionspasplusététentédefaireunrapport,quelescommissairesenvoyéspartouslesautresgouverne-mentsquin’ontpaspubliéunmotsurcettemagni-fiqueexpositionde1839.
S’ilnousétaitpermisdedonnerunavisauxjeunesgensquisententlebesoindeparvenirparletravail,nousleurdirionsdeconsacrerplusdetempsàacquérirdusavoir-fairequedusavoirréel.
Unhommequiétudietoutesavien’estjamaisqu’unécolier,ilnedoitdoncpass’étonnerd’êtretraitécommetelpartoutlemonde,etsurtoutparlesignorants.
Pouréviterl’accusationdeplagiatdesdiction-nairestechnologiques,nousavonseusoindene
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parlerquedesprogrèsaccomplisdansl’industriedepuislapublicationdecesdictionnaires.
Nousnecroyonspasplusavoirdégradél’indus-trieenlafaisantdescendreauniveaudetouteslesintelligences,queM.Aragon’aravalél’astro-nomie,ArnottlaphysiqueetPayenlachimie,enlestraduisantenlangageordinaire.
Nousaurionspunousrendrealgébriquementin-compréhensibleauxmassesetstatistiquementen-nuyeuxcommetantd’autres;maisnoustenionsàdémontrerquel’industrien’estpasunescienceaussidifficileàcomprendrequelesgensdumondeselefigurent.
Sinousavonsmêléquelquestraitsmoinsgraves,et,commeonnousl’adit,desdigressionssuper-flues,àdiversespartiesdenotretravail,nouspas-sonsvolontierscondamnationsurcequipeutêtredenotrepartdéfautdecompositionoudestyle,voiremêmeétrangetéd’espritoudecaractère.Maisnousdemandonsquedumoinsonneregardepasquelquessailliesouquelquesécartsd’imagination,commelapreuved’unmanqued’exactitudeetdesavoirdansleschosesgravesetpositives.Qu’ilnoussoitpermisdeciter,parmilestémoignagesquinousrassurentàcetégard,celuidedeuxexpertsdontpersonnenerécusera,pensons-nous,nila
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finessedetact,niladélicatessedegoût.Voicileuropinion.
Paris,le29décembre1839.
«J’aibiendesremercîmentsàvousfairepourledoubletravailquevousm’avezfaitl’honneurdem’envoyer.Lepremier,lerapportdeM.Nothomb,estunprécieuxdocu-mentquiresteraparmilespièceslespluscurieusesdel’his-toiredescheminsdeferenEurope.Lesecond,votrerap-portsurnotredernièreexpositiondel’industrie,aeuplusd’intérêtpourmoiencore,parcequ’ilregardelaFrance.J’enavaisdéjàremarquédesextraitsdanslesjournauxfran-çaisetj’avaismisennotedepriermonami,M.B……,demel’envoyerdeBruxelles.Vousêtesbienaimabled’avoirpressentimondésiretdel’avoirsatisfaitsansquej’aieeuàvousl’exprimer.
«Votrerapport,monsieur,aundoublemérite:ilestexact,etilestattachantàlalecture,jediraisvolontiers,piquant.Membredujurycentraletayantétéainsiconduitàétudiernotreexposition,j’aiétéfrappédelajustesseetdelaportéedevosobservations,autantquej’aiétéintéresséetinstruitparlesdétailshistoriquesdontvouslesavezmêlées,etparlesnotionsscientifiques,misesàlaportéedetous,dontvouslesavezavecbonheurassaisonnées.Jesavaisdéjàquevousaviezàunhautdegrécettefacultéquel’écoledeM.Ch.Fourierappellelapapillonneetquidonneauxhommesquiensontdouéslemoyend’embrasserunegrandequantitédesujets,enseportantsanseffortdel’unàl’autre;
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maisàcetégardvraiment,votrerapportadépassémonattente.
«Vousavezdéjàrendudesservicesdistinguésàl’in-dustriebelge.Vousn’êtespointauboutdevotreutilecar-rière.Vouscontribuerezparvotrezèle,votreactivité,voslumièressivariéesàpousserlaBelgiquedeplusenplusenavant,danslavoiedeprospéritéetdegloirepacifiqueoùelles’estengagéeetoùelledonneauxautresnationsunbelexemple,troppeusuivi,hélas !parsesprochesvoisinsméridionaux.Jevousenfélicitesincèrement,monsieur,etjefélicitenonmoinslegouvernementqui,ayantprèsdeluideshommesdevotretrempe,saitlesutiliser(1).
«Jevousréitèremesremercimentsetvouspriedemecroirevotretoutempresséserviteur.
«MichelChevalier,«Conseillerd’État,membredujurycentraldel’exposition.»
Paris,le22août1839.
«MonsieurJobard,
«J’aidesreprochesàmefaireàvotreégard,jedoisjus-tifiermonlongsilence:commentnevousavoirpasremerciédel’envoiquevousavezeul’extrêmeobligeancedemefairedesjournauxcontenantvosarticlessurl’exposition?Ettout
(1)M.MichelChevaliersavaitsansdoutequenousavionssollicitélaplacededirecteurdumuséedesartsetmétiers,vacantedepuisdixans.
—X—
d’abordrecevezmesfélicitationsbiensincèressurl’exacti-tudedevotrecompterenduetlajustessedevosappréciations;votretrès-intéressantedigressionsurcequ’ilconviendraitdefairepourfairegagneràlaBelgiquelamain-d’œuvred’unefouled'objetsqu’elletireàprésenttoutfabriquésdespaysvoisins,aexcitémavivesympathie,etquoiquevosconseilsdoiventenrichirlaBelgiqueaudétrimentdelaFrance,cequevousditesestsivrai,sibiendémontré,qu’ilfautquemonespritnationalpliedevantl’évidence.
«Nosvues,monsieur,enmatièred’économiesocialesontfortsouventlesmêmes,ellespartentd’unmêmepoint:déve-lopperl’industrie,lafaireconcouriràlaprospéritégéné-rale,aubien-êtredechacun,voilàlebutconstantdemesefforts;hâterlesprogrès,faireéclorelesidéesindustriellesenabrégeantlatroplongueincubationàlaquelleellessont,fauted’argent,presquetoujourssoumises;voilà,monsieur,cequejetâchedefaireàl’aidedelapetitefortunequelaProvidencem’adépartie.
«Quedefoisn’ai-jepaseuleregretd’ajourneràuneautreannéel’essaid’uneconceptionmécaniquerationnelleparcequemonpetitbudgetétaitdéjàdépassé!
«Maislapersévéranceestchezmoiunequalitéquivientunpeuàladéchargedemesnombreuxdéfauts;lesobsta-cles,loindemerebuter,nefontqueprovoquermonactivité.Sij’eusseétémoinscontrariédansmesgoûts,peut-êtreserais-jeaujourd’huiunmécanicienmoinsenrayé?Aureste,c’estmabonneoumamauvaiseétoile,ilfautquejefassedelamécaniquequandmême.Jemourraisansdouteencombinantunemachineàfairedescercueilsouuncorbillardàvapeur.
—XI—
«Jedoutequevouspuissiezliremongriffonnage;maissivousinventezjamais,vousquiêtessifécond,unemachinequiforceàbienécrire,dédiez-la-moi,mareconnaissanceseraéternelle,commelessentimentsdehauteconsidérationetd’affectionquejevousaivoués.
«Lebaron Séguier, «Membredel’Académiedessciences,etdujurycentraldel’exposition.»
INTRODUCTION.
Nousvivonsaumilieudesaisancesdelacivilisationcommelepoissonaumilieudeseaux,sansnousenaper-cevoir,etcommesicelaeùttoujoursétéetdevaittoujoursêtre.
Onnesongepasassezquetoutcequirendnotreexistencesiconfortable,n’apunaîtrequependantlescourtestrèvessurvenuesentredeuxbatailles.
Onsembleperdredevuequ’unenouvelleguerredetrenteanssuffiraitpourrenversercettepyramidedeconnaissancesdontnoussommessifiers,etnousramenerd’abordàlaconditiondesEspagnols,pournousréduireenpeud’annéesàcelledesMauresoudesBédouinsd’Afriquedonttoute
—XIV—
l’industrieconsisteàbattreunchameauetàarracherlalained’unmouton.
«J’aimeraismieuxêtremendiantàParisquecheikenAlgérie,»nousdisaitunvoyageur,ennouscontantquelesouveraindeBiscara,auquelilmontraitunebouteilledeverre,laprenaitpourlefruitd’unarbredeFrance,paranalogieavecsagourde.
Quandnosromancierssupposentquecesgenssontheu-reuxmalgréleurignoranceetleurdénùment,ilsdevraientadmettrequenospauvresjouissentd’unbonheuraumoinségalàceluidesArabes,àmoinsquelavueduluxen’ajoutelemaldel’envieàtousleursautresmaux.
Onsefaitengénéralunefausseidéedumalheurdespau-vres;cars’ilssentaientlagènedeleurpositioncommenouslaressentirionsàleurplace,ilsferaient,pourensortir,lesmêmeseffortsqu’ontfaitsbeaucoupd’enfantsdupeuplequisesontélevés,parletravailetl’espritdeconduite,auxplushonorablespositionssociales.
Dureste,onoublietropquelapauvretéestlaconditionnormaledel’homme,etquelarichesseestuneexception,nouspourrionsdireunétatcontrenature.
Ontrompedoncbiengrossièrementlepeuplequandonluisignalelesrichescommeétantlesdétenteursdelapartd’héritagedespauvres;caronraisonnecommesitoutlemondeavaitétéégalementricheàpriori,tandisquenousétionstouségalementpauvres.Lerichen’adoncfaitaucuntortaupauvre:c’estévidemmentlecontrairequialieu,carlepauvrevitdurichecommeleguivitduchène.
Touterichesseestleproduitd’unvatarilquelconque.
Celaposé,lepremiersoind’unbongouvernementdoit
êtrederéhabiliter,d’honorer,d’encouragerletravail;carletravailestlaseulesourcelégitimedelaconsidération,deshom-neursetdelarichesse,commeilestlasourcedetouteslesvertussociales.
C’estl’oublidecesvéritésfondamentalesquiapréparéetamenélachutedetouslesÉtatsoùletravails’estvufrappéd’unesortedeméprisparmilespatriciens,parcequ’ilétaitlepartagedesilotes,desesclavesetdesmanants.
Cetabsurdepréjugécommenceheureusementàdisparaî-tredequelquespaysdel’Europe;l’aristocratieanglaiseadonnélepremierexemple,quifutsuiviparlanoblessefran-çaise.Lanoblesserusseelle-mêmenecroitpasdérogerenselivrantàl’industrieetaucommerce;sonmériteenestd’au-tantplusgrandqu’elleestencoreenpleinsousl’impressiondurégimedelaféodalité.
Cetterévolution,ouceretouràlaraison,estleplusbeaurésultatdel’abolitiondel’esclavage;carl’esclavageaétélacausedetouslesbouleversementsquisesontsuccédédepuislestempshistoriques.
Cen’estqu’àdaterdenotreépoquequ’onpeutespérerdevoirnaîtreenEuropeunordresocialflorissantetdurable,dèsqu’onseseradécidéàluidonnerpourbaseletravailorganisé,l’industrieetlecommerceréhabilités.
Letravailestévidemmentleplusgrandmoralisateurdumonde;ilaenfantéassezdemerveillespourinspirerdelaconfiancedanslesprodigesqu’ilprometd’accomplirencoreettoujoursjusqu’àlafindessiècles,pourpeuqu’onlepro-tégecontrel’invasiondemessieurslessauvagesdelacivi-lisation,etdecetteracedetroublesomeguestsquinefaitrienetveutempêcherlesautresdefaire.
—XVI—
Quandonjetteuncoupd’œilsurlalongueenfancedel’industrie,quirestapourainsidirerachitiqueetnouée,depuislepotierDédale,jusqu’àl’’émailleurBernarddePalissy,etquel’oncomparelalenteurdesesprogrèsde-puisBernarddePalissyjusqu’àl’époquedenospères,avecl’accroissementqu’elleapris,depuistrenteannéesseule-ment,onestendroitd’espérerquesiriennevientl’entraver,cettenouvellereinedumondeporterabientôtsatêteauseptièmeciel.
Cettemanièredevoirn’estpasnouvellecheznous,etmal-grélachutequ’ellevientdefaire,nousn’avonsrienmodifiéàl’opinionquisertd’épigrapheànostrente-sixvolumesdel’Industriel:
...............L’industrie,autrefoisembryonméprisé,Longtempsemmaillotté,naguèreàlalisière,Desesbrasvigoureuxpresseaujourd’huilaterre.
Qu’étaiteneffetl’industriechezlesGrecsquin’avaientpasmêmeunnomàluidonner?Àneconsidérerquelevêtement,quelleétaitleurchaussure?d’incommodessan-dales;leurshabits?desmanteauxdedrapgrossier,àenjugerd’aprèslaroideurdesplisdeleursstatues.Riendeplusinformequelesdés,lesaiguillesàcoudre,lescompasquisontvenusjusqu’ànous;leursépinglesmêmen’étaientquedeschevillesfabriquéesàlalime;leurspeignes,desespècesd’étrilles!ilsnesavaientpasferreruncheval.Épaminondasn’avaitqu’unhabitetrestaitaulitpendantqu’onlavaitsonvêtement.
Lesressourcesdelamécaniquesebornaientàcequ’ilenfautpourlaconstructiondescatapultes,auxleviersdepre-
—XVII—
miergenreetplustardàlavisd’Archimède.C’estàforcedebrasqu’ilsbâtissaientleurstemples;60,000hommesontétéemployésàtransporteruneseulepierredeBalbek.Quelmauvaisemploidelaforce!
CentmillehommestravaillèrentpendanttrenteansàlapyramidedeChéops;lespierresétaienttraînéessurd’énor-mestalusenterreétablisavantlesédifices,etsoulevésàmésurequeceux-ciavançaient.DouzemilleprisonniersjuifsfurentemployéspendanttroisansàlaconstructionduColiséedeRome.Strabonrapportequelesminesd’Espagneétaientexploitéesparquarantemillehommes.
Lesanciensneconnaissaientnilesmoulinsàvent,nilesmoulinsàeau.ThéophrasteetPlautetournaientlameulepourécraserlegraindesboulangers.
Iln’yavaitaucunétalonfixepourlespoidsetmesures.Touteslescoudéeségyptiennesettouslespiedsromainsdifféraiententreeux.LerapportqueM.DrovettiavaitcruvoirentrelacoudéeduNiletnotremètren’étaitqu’uneillusion.Lesinstrumentsditsdeprécision,n’étaientquedegrossièresébauches;laclepsydretenaitlieudelamontre,cesonnetsansdéfautdenotremécanique.
Onpeutdirequel’industriebaséesurladivisiondutra-vail,l’industrietendantàfairedescendreleconfortdurichejusquedanslacabanedupauvre,l’industrieenfincommenousl’entendons,n’ajamaisexistéchezlesanciens.
Cefaitdérivenaturellementdelaconstitutiondel’an-ciennesociétéquinesecomposaitquedemaîtresetd’es-claves:demaîtresquipouvaientrécompenserlesproduitsexceptionnelsdel’artindividuel,etd’esclavesquinepos-sédaientrien.
—XVIII—
NousvoyonsencoreenOrientlespécimenvivantdecetordredechoses.Ilyexistecertainementdemerveilleuxor-févres,d’habilespotiers,d’inimitablesouvriersdansletravaildel’ivoire,desfiligranesetdestissusprécieux;maisonn’yvoitaucunde,cesgrandsétablissementsindustrielsoùs’impriment,pourainsidire,cesinnombrablesfac-similequi,découlantàfoisond’unmêmetype,diminuentdeva-leuraufuretàmesurequ’ilssemultiplient.
Lesanciens,commelesIndiens,ignoraientcegrandaxiomedeséconomistesmodernes:lespetitsprofitsfontlesplusgrosbénéfices.Lesancienssavaientproduire,maisignoraientl’artdereproduire;ilsneconnaissaient quel’industriedufoyerdomestiqueetdesindividualitésartistiquesquiconsacraientleuraptitudeàfaireetàornerlesobjetsdontlerichefaisaitusage;tandisquenotreindustrieviseàprocureràtoutlemondeleschosesquiluisontindispensablesd’abord,utilesensuite,etagréablesaprès.
Notreclassemitoyenne,notrebourgeoisiesinombreuse,n’existaitqu’engermedanslacastedesanciensaffranchis.
C’estellequiacréé,quidirigeetquialimentenotrein-dustriecylindrique.
Nousl’appelonscylindrique,parcequelecylindreestlecriteriumdel’industriemoderneetquetoutprocédéméca-nique,toutefabricationquin’estpassoumiseàlacontinuitéd’actionquelecylindreseulpeutluidonner,estencoreal’étatembryonnaire.Lafilature,l’imprimerie,laforgerie,l’orfévrerie,l’hydraulique,lapapeterie,ladraperie,lascierieetunefouled’autresmétierssontdéjàpassésàl’étatcylin-drique,etleseffortsdetouslesinventeursontconstammentpourbutd’yamenertouslesautres.
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LesGrecsontététrès-loindanstoutcequitientàlabeautédesformes;leurcéramiquesertencoredemodèleàlanôtre,etWedgwoodapayéaupoidsdel’orlesplusbeauxvasesétrusques,qui,parparenthèse,sefabriquaientàCorinthe.
Mégare,petitevillesansterritoire,florissaitparsesétoffesdontlesproduitslecédaientcependantàceuxdel’Égypte.Onvoitencore,surlesparoisdestemplesetdescryptesdontChampollionetBelnoziontrapportélesdessins,lesprètresetlesprincesvêtusd’unetoiledelin,àtraverslaquelleonaperçoitlacarnation.C’étaitsansdouteleventustextilis,cetissuaériendontparleJuvénal.
LabijouterieaussiétaitassezavancéechezlesGrecs,etonnepeutconcevoircomment,avecdesinstrumentsgros-siers,leursorfévrespouvaientexécutercescolliersetcesbraceletsd’écaillesiflexiblesetsipleinsderessort.
Mais,nouslerépétons,toutcelan’étaitquedel’adresseindividuellecomparableàcelledecesbergerssuissesquifontdeschefs-d’œuvreavecunmauvaiscanif.
Iln’yavaitpasdefabriquesdedrapsproprementdites;lesfemmesfaisaientelles-mêmesleurstissus,commelesan-ciennesfermièresdesÉtats-Unis,oucommelesMadécassesetlesJavanaisesquifilent,tissentetteignentencorelesétoffesdontellesontbesoin(1).
(1)Nouspossédonsunepiècedetoilesemblableàdunankin,fabri-quéeparunefemmedeMadagascar.M.Commaille,quinousl’arapportée,nousacontélamanièredontcetissusefabriqueparlesnaturels.Ilsprennentlasecondeécorced’unarbrenomméRoufia;ilslabattentpourladiviser.Sesfilamentsontenvironunmètredelong.Aprèsavoirtirécesbrinslesunsaprèslesautres,ilslesatta-
—XX—
AlexandreleGrand,croyantsansdoutequecetusageexis-taitégalementenPerse,avaitenvoyéunballotdelainefineàSysigambis,mèredeDarius,quinesutqu’enfaire;Alexandres’excusaendisantquesamèreOlympiasetsessœursThessaloniceetLaodicéeavaienttisséleshabitsqu’ilportait.
chentaumoyend’unnœuddetisserandtrès-habilementfait.C’estanisiqu’ilsobtiennent,sansfiler,toutesleslongueursdontilsontbesoin,soitpourlatrame,soitpourlachaîne.Ilstissentensuiteleurétoffesurdepetitsmétiersdebambouquinevalentpascinqfrancs.LeurprocédéestlemêmequeceluidesanciensÉgyptiensetquelenôtre.Ilsontunpeigne,desnavettes,desbobinesetdespédalesanaloguesauxnôtres.Seulement,leurtoileestinfinimentmeilleurmarchéquelanôtre,etl’Angleterrecommenceàenimporterdesquantitésconsidérables,sur-toutpourlesrobesdedessous,carcetissuesttrès-bouffantetnesefroissepascommelecoton.
LesMadécassesont,commeonvoit,suppriméentièrementlafilature;etlespluspetitsenfantspeuventêtreutilisésànouerlesbrins.
Nouscroyonsréellementqu’ilsvontaumoinstroisfoisplusvitepourfaireunnœud,quenosfileusesaurouet,pourfilerunbrindemêmelon-gueur.Or,cesnœudssedistinguentàpeinedansl’étoffequiestpluségaleetplusfortequenostoilesordinaires.
Nouscroyonsàlapossibilitéd’introduireavecavantagelafilaturema-décassedansnoscampagnes,àl’aidedesbrinsdel’aloèsetsurtoutduphormiumtenaxquisedivisefortbienetavecunegrandeégalité:onfiniraitparfaireaveclesbrinslesplusténusd’admirablefilàdentelle.
LemêmevoyageurnousamontréunmouchoirfabriquéenChineaveclafeuilledel’ananas,onnesauraitvoirquelquechosedeplusblanc.deplusfin,nideplussoyeux.
Ilparaitquepluslagrandeindustriemanufacturièreprendd’exten-sionenEurope,plusl’industrieindividuelletendàs’effaceretàdispa-raitre,etilendoitêtreainsi:l’hommedegénieisoléestaccablécheznousparlesgrandscapitauxdontlaroutinepeutdisposer;ilne
—XXI—
Lamémoiredecesbonnesménagèresétaitsouventhonoréepardesinscriptionstumulairesdugenredecelle-ci:
Maiscetteindustriedesfemmesetcelledesesclavesquel’onemployaitcommeouvriers,étaient,commelesartsdusauvage,lerésultatdetalentsprivés.
C’étaitseulementcommeartistesquelesouvriersdecer-tainesvillesdel’antiquitéavaientdelaréputationpourlasupérioritédeleursproduits.OnfaisaitdemagnifiquesteinturesàTarente,d’aprèslesPhéniciensetlesBabyloniens.ToutelagrandeGrèceétaitrenomméepoursesmeublesdebronzerichesetprécieux,ainsiquepoursesmanteauxbrodésd’oretd’argent;maisonn’avaitnibonneschaises,nihabitschaudspourlepeuple.Ilenestencoreainsidanstoutl’Orient:leskans,lesémirs,lescheiksmêmepossèdentdessellesadmirablementbrodées,desarmescise-lées,niellées,richementgaînées,etdebrillantsuniformes,maisleursentourssontdéguenillésouàdeminus.
LesBelgesfurentlespremiersquifournirentauxRomainsdesétoffesdelaineépaissesetchaudesdontceux-cisetrou-vérentsibien,quelepoëteMartialenayantreçuuneblouse
prendpluslapeinedepenser,nid’exercersesmainsàlaproductiondi-recle.Quegagneraiteneffetleplusmerveilleuxcalligraphequivou-draitlutteraujourd’huiaveclapresse?queferaitlemeilleurcoureurcontrelavapeur?quepeuventnosfileusesdesFlandrescontrelesmé-liersanglais?Lemoindreouvrierchinoisestpeut-êtreplusadroitdesmainsquenosmeilleursouvriersd’Europe,maisiln’estriencontrelaplusmincedenosmachines.
—XXII—
encadeau,nemanquapasdedéclarerenbonsversqu’illuiseraitimpossibledésormaisdepasserl’hiver,s’iln’enrecevaituneseconde.
LaFrisejouitensuitedelaplusgranderéputationpourcesétoffesdontelleestencoreenpleinepossession.
Toutcequin’exigeaitpasdesmachinescoûteusesetdesou-tilsdeprécisions’exécutaitfortbienchezlesanciens;maistoutcequidemandaitunpeudeforceviveouquelqueoutil-lagecompliquéleurétaitinterdit.Aussin’ont-ilsjamaiseulamoindremonnaiebienfrappée.L’associationdescapitauxmodernespeutseulepourvoiraucoûteuxgréementdenosfabriques.
Silesanciensontéténosmaîtresenphilosophie,enlitté-rature,enarchitecture,enstatuaire,nouslesavonslaissésbienloinderrièrenous,quantauxartsindustrielsetutili-taires,etnousneleurdevonsplusrienquantauxbeaux-arts.
Tantquenousnelesavionspaségalés,onpouvaitadmettrequelaviedespeuplesétaitrenferméedansuncercledonnéetquelacivilisationavait,commelesorbitesplanétaires,sonapogée,sonpérigéeetqu’ilexistaitunpointculminantoùchaquepeuples’élevaitàsontourpourendescendreaprés.
Lesunssupposaientquel’œuvreduprogrèsavait,commelesindividus,sajeunesse,sonâgemûr,sadécrépitudeetsamort.Lesautres,prenantleurtermedecomparaisondanslerègnevégétal,voyaientlacivilisationsuivrelesphasesdiver-sesdelafermentation.Ilenestenfinquicroyaientvoirlepro-grèss’éleversanscesselelongd’unplaninclinédontlabaseest
—XXIII—
partoutetlesommetnullepart.Nouspensonsquelalignesuivieparl’esprithumainn’estnilalignedroitenilecercle;maislaspiralequi,toutenparaissantpasserparlesmêmesnœuds,gagnesanscesseduterrainens’éloignantdupointdedépart.
Toutesleschutesarrivéesàl’humanitén’ontétéquelespremiersessaisd’unenfantquitombe,serelèveetretombebiendesfois,avantdesetenirsolidementdressé.
Aujourd’huic’enestfait,l’enfantasecouéseslangesetseslisières,ilestdebout,ilmarche;maisilestjeuneen-core:carleslustressontpourluidesjoursetlessièclesdesmois,ila7ansàpeine.
TouslestravauxdesÉgyptiens,desGrecsetdesRomainsn’ontété,sil’onveut,quedesaccumulationsdeforcedanslegrandvolantdelacivilisation.
Iltournemaintenantetilseraitplusdifficiledel’arrêterqued’entreteniretd’accélérersonmouvementacquis.
Quiconqueessayeraitdelefairerétrograderseraitbrisécommeunfétudanslesengrenagesd’unlaminoir.
Lacivilisationamarchéenraisondelafacilitédescom-municationsentreleshommes.
Jadislesconnaissancesserépandaientlentementparlessentiersraresettortueuxdelaparole,aussiquelesmarchan-disesportéesàdosd’homme,àtraverslesforêtsetlesrochers.
Aujourd’huielless’élancentparlapresse,laposteetlestélégraphes,commelesproduitsdenosmanufacturesquiglissentàvold’oiseausurl’Océandomptéetsurlesrainuresenfer.
Ondoitenconvenir,toutcequ’ontréalisélesanciensauplushautpointdeleurgloire,nousl’avonsfait,etsilepro-
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grèsavaitunfaite,depuisunsiècleaumoinsnousenserionstombés.
Maisnousavonsfaitplus,etchaquejournousallonsplusloinencore:toutcequ’ilsontproduitenpeinture,ensculpture,enpoésie,enarchitecture,enphilosophiemême,nousl’avonsfaitounouspourrionslefaire.
Maiscequ’ilsn’ontpasdécouvert,c’estl’imprimerie,c’estlavapeur,c’estlapoudre,c’estlafilature;cesontlescheminsdefer,l’éclairageaugaz,lesdoublesécluses,lesballons,letélégraphe,lespostes,laboussoleetl’Amérique;c’estlachimie,l’anatomie,lachirurgie,l’algèbre,lagéométriedescriptive,lesystèmedécimal,lagéologie,lastatistique,lalettredechange;c’estlafonte,lezinc,leplatine,lenickel,lesglacesetlahouille;c’estl’héliographie,lagalvano-plastique,ledrap-feutre,lepyroscaphe,latailledudiamant,letélescope,lemicroscope,larotonditédelaterreettoutcequiexisteàsasurface.
Comprend-onbienlapauvretéd’unétatsocialquiseraitprivédetoutesceschosesetd’unmillierd’autresquineviennentpassousnotreplumeencemoment?
Quenerésultera-t-ilpasdelaconjugaisonincessantedetouscesélémentsdiversdel’alphabetdenosconnaissancesgénérales?detouslestermesdecetteimmenseéquation?
Tantquelacivilisations’esttrouvéeconfinéedansunpetitcoindeterre,oudansuneseulebibliothèque,iln’apasétédifficileàlabarbariedelasurprendreetdel’étouffer.
Maisquecentmillebarbaresserassemblentaujourd’huiaumilieudessteppes,auxconfinsdelaChine,enquelquelieudumondequecesoit,ilsn’aurontpasfaitvingtlieuesavantqu’onensoitinforméauxTuileriesetàSaint-James;etdussent-ilsexterminerlacivilisationetbrûlertousles
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livresdel’Europe,onlesretrouveraitenAmériqueoudanslapluspetiteîledelaPolynésie.
Nouspouvonsdoncnousrassurerentièrementsurlesortdelacivilisation,ellenepériraplus.
Silesartssesontéclipséspendantdouzeàquatorzesiè-clesdeguerreetd’anarchieetn’ontcommencéàrefleurirqu’àl’époqueditedelarenaissance,l’industriesouffritégalementdecelongsommeil.LegrandCharlemagnen’étaitpassiconfortablementvêtuqu’Abd-el-Kader;ilsignaitsesCapitulairesentrempantsamaindansl’encrepourl’ap-pliquersurleparchemin.LepeupleetlesprêtresétaientvêtusdepeauxcommelesbasBretonsetlesCosaques;danslesjoursdecérémonieilsjetaientpar-dessusleurspeaux,uneenveloppedetoile,unsurplis(superpelles).
Oncroyaitfaireunlegspieuxetconsidérableendonnantunepairedesouliersàuneéglisepourl’usagedesofficiants.
Aumoyenâgel’usagedupainblanc,delaviandedeboucherie,delachandelleetdulingedecorpsétaiten-coretrès-rare.
Huitoudixpersonnescouchaientàlafoisdansunmêmelit;lesgensdugrandmondesefaisaienttraînerdansdescharrettesatteléesdebœufs;pendantleshiversrigoureuxunvoyaitarriverlesgrandesdamesdeParisàl’église,con-duitesdansdestonneauxdéfoncés.LesChinoisétaientcertesbienplusavancésquenousavecleurspalanquinsélastiquesetleconfortabledeleurshabitations.
Jusqu’àlafinduderniersièclelesartsetmétiersfurentconsidéréscommedesprofessionsindignesdel’hommeintel-
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ligent.EnPolognecepréjugédomineencoreaupointqu’unpeintreenminiatureayantavouédansunehautesociétéqu’ilavaitfaitlui-mêmelesportraitsquel’onadmirait,celasuffitpourqu’oncessâtdelerecevoir.Onsupposaitqu’ildevaitavoirdesesclavespourtravaillersesminiatures,commeoràdesserfspourtravaillersesterres.
L’industrienes’estpourtantnaturaliséequ’avecpeineenFrance;végétantsousladureprotectiondelaraceconquérante,c’estenpliantsouslejoug,c’estenpayantaupoidsdel’orledroitd’exister,qu’elleàpusoutenir,sansmouriràlatâche,leméprisetlesvexationsdeshommesd’armes;maisquandlanoblessedéposal’armureducroisépourrevêtirl’habitducourtisan,l’industrieprofitadumoinsdecere-virementdanslesmœurs.
LouisXIfutlepremierroideFrancequisongeaàen-couragerlesmanufactures.HenriIVetSullyluttèrentutilementl’unavecl’autrepourstimulerlesindustriesmanufacturièresetagricoles.Tandisqueleministrerépétaitquelabourageetpâturagesontlesdeuxmamellesdel’État,etqu’ilfaisaitplanteràsesfraisvingtmillemûriersdanslejardindesTuileriesetdeFontainebleau,leroin’épargnaitrienpourfavoriserlesmanufacturesdetapisfaçondePerse.latapisseriedehautelisse,lesglacesfaçondeVeniseetl’exploitationdesmines.
L’impulsiondonnéeparHenriIVs’arrêtasousLouisXIII;maisellefutdignementrepriseparColbert:grâceàlui,laFranceégalauninstantl’EspagneetlaHollandepourladraperie,leBrabantpourlesdentelles,l’Italiepourles
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soieries,Venisepourlesglaces,l’Angleterrepourlabon-neterie,l’Allemagnepourlefer-blanc,laFlandrepourlestoiles.AjoutonsqueColbertfutundescréateursducanalduLanguedoc,dontVaubanadit:«Jedonneraistoutcequej’aifaitettoutcequ’ilmeresteàproduireenfaitdefortifica-tions,pourêtrel’auteurd’unouvragesiadmirableetsiutile.»Ilsentait,commeonvoit,qu’ilauraitpumieuxem-ployerlestrésorsdelaFrance.PuissentnosmodernesCol-bertsvoterdesmilliardspourlestravauxpublics,plutôtquepourdesforteresses;chaquelocomotivequ’ilsposerontsurdesrailspasserasurlecorpsàunpelotond’anarchistes;c’estunepiocheplutôtqu’unfusilqu’ilfautsongeràmettredanslesmainsdelajeunessedescampagnes,cesontdesemploisqu’ilfautcréerpourcesnombreusesvictimesdel’instructionidentiquequ’ons’obstineàdonneràlapetitebourgeoisieetauxclassessupérieures,lesquellessontmieuxenpositiond’obtenirlepetitnombred’emploisdontlegouvernementpeutdisposer,etlaissentlesautresindécisentrelamisèreetl’émeute.EnChinecen’estpasunparchemin,c’estunbre-vetd’employédugouvernementquel’onremetauxétu-diantsvainqueursdanslesexamens.
LafautedeColbertaétéd’emprisonnerl’industriedanslesinstructionsqu’ilrédigeasurlesprocédésàsuivredanschaqueespècedemétier,parcequ’ellesservirentderèglesetdestatutsdontlescorporationsetjurandesdéfendaientdes’écarter.C’étaitarrêtertoutprogrèsultérieur,c’étaitcom-mettreuneerreuranalogueàcellequefaitencorel’An-gleterreens’opposantàlasortiedesesmachines,comme
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sileprogrèsetlaperfectionpouvaientavoirunterme.
Lescorporationsqui,souscertainpointdevue,don-naientuneespèced’organisationautravail,devinrenttel-lementexigeantesqu’ilfutimpossibleàuninventeurdes’établirpourexploitersadécouverte,sousprétextequ’ildevait auparavantsefaireafflilieràtouslesmétiersauxquelssoninventiontouchaitparunpointquelconque.Or,cesré-ceptionscoûtaientbeaucoupd’argent.Letravailétaitde-venuundroitrégalien.Onpeutdireàjustetitrequelaper-missiondevivreentravaillantn’existaitpasenFrance.avantle17février1791,jouroùparutledécretdelaCon-stituantequiprononçal’abolitiondesmaîtrisesetjurandesetétablitsurtouslesfabricantsetindustrielsundroitdepatentequifutacceptéavecjoieetreconnaissance.
Maisoncommenceàsentirlesinconvénientsdecetteextrêmeliberté.Lepremiervenupouvantprendreaujour-d’huiuneenseigneetunepatente,sansrienconnaîtredumétierdanslequelilsedonnecommepassé-maître,ils’en-suitquelepublicestsanscessevictimedel’ignoranceetducharlatanismepatentés,sansavoirsonrecourscommeautre-foisauprèsdesprud’hommesoudeschefsdemétiers.Lestribunauxmêmen’ypeuventporterremède,àcausedesformalitésetdesfraisincroyablesqu’exigelemoindrere-dressementd’untort.
Lecitoyentranquillepréfèreledommaged’êtrevolé,àlapeinedefairepunirlevoleur.
Quandvousaureztrompétoutlemonde,disions-nousàundecesescrocsétablis,personnenevoudraplusavoiràfaireàvous,etvotreachalandageseraperdu.—Quandj’auraitrompétoutlemonde,nousrépondit-ilsanss’émouvoir.
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mafortuneserafaiteetjememoqueraibiendel’achalandage.
Sil’onprendlapeined’yregarder,onverraquecettelèpres’étendchaquejourdavantageetfinirapartoutdémo-raliser.Déjàlenomd’industrielestdevenusynonymedechevalierd’industrie...defripon.
Nousengageonsleshonnêtesindustrielsàréclameruneorganisationdutravail,quipermettedumoinsd’élaguerdeleurnoblephalangelesignorants,lesincapablesetlesescrocs.
Ilsnedoiventpointperdredevuequelemondeestdévoluautravail.Qu’ilsétablissentdoncentreeux,àdéfautdugou-vernement,unconseildediscipline;qu’ilsélisentunbâton-nieretnereconnaissentpourapparteniràl’industriequelesouvriershonnêtesetcapables,munisdeleurexequaturoulivretconvenablementmotivé.Ilsserendraientparlàungrandservice;maisilsenrendraientunbienplusgrandencoreàlasociété.
Parsuitedel’associationdesgrandscapitauxpourlaproductioncylindrique,ilvanaîtreunenouvelleespècedemaîtriseàlaquellel’ouvriernepourraplusdutoutattein-dre;c’estalorsquel’Étatserapousséàsefaireproducteursansbénéfice,poursoutenirlaluttecontrelespuissancesindustrielles,àmoinsquelesouvriersnes’associentdanslebutd’unemutualitédecrédit,quenousregardonscommeunefictionirréalisable.
DurestelapolitiquedesÉtatsalaplusgrandeinfluencesurlaproduction.LestupideéditdeNantesamisl’industriefrançaiseendéroute,commeuneguerredelaFrancecontrel’Europeleferaitencoreaujourd’hui,cedontlesagemonar-quequilagouvernesauralapréserver.
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Quellesquesoientlaforce,l’impétuositéetlabravouredesFrançais,ilsdevraientsongerqu’ilyaquelqu’undepluspuissantqu’eux:c’esttoutlemonde,ilsl’ontd’ailleursdéjàéprouvé;maisl’expériencedespèresestpresquetoujoursperduepourlesenfants.Lajeunegénérationactuellen’anulsouvenirdesdésastresqu’entraînelaguerre,pendantlaquelletouts’arrêteourecule;carlaguerreestrétrograde,lapaixseuleestprogressive;laFranceaimeleprogrèspar-dessustout;maislagloirepar-dessusleprogrès;delagloiremilitaire.delagloirebrutale,elleenaétésaturée;toutesonambitiondevraitdoncseporteraujourd’huiverslagloireintellectuelle.Ilyad’admirablesconquêtesàfaireencoredanslechampdelascience,demagnifiquesbataillesàgagnersurlesélé-ments,devastesrégionsinconnues,toutunnouveaumonded’idéesàdécouvrir:voilàlanoblearèneoùlagrandenationdevraitsongerdésormaisàpromenerlesétendardsdesonintelligencectl’activitébrûlantedesongénie.
LeblocuscontinentalfitcomprendreàlaFrancetoutcequimanquaitalorsàsonindustrie.Ilfallutsuppléerauxproduitsexotiquespardesproduitsindigènes.Lesalpêtre,lesucre,l’indigo,lescuirs,lesarmesblanches,setiraientdudehors;leseffortsdesMonge,desBertholetetdesFour-croysuffirentàtout.Lesfabricantscommencèrentàrecon-naitrecombienilétaitimportantdes’éclairerdeslumièresdelachimie,delaphysiqueetdesépures:iln’yeutplusdèslorsdesecretsdanslesartsetmétiers.
LaConventionorganisal’Écolenormale,leMuséum,leConservatoire,leBureaudeslongitudesetenfinl’Écolepoly-
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techniquequi,suivantsaconstitutionprimitive,devaitem-brasserl’ensembledesconnaissancesscientifiquesetindus-trielles.MaisellefutrestreinteparNapoléonauxélémentspurementmilitairesdontilavaitbesoin,etàlathéologietranscendantedesmathématiquespuresquiadonnénais-sanceàcettearistocratied’xetd’y,laquellealongtempscrudérogerendescendantàl’applicationimmediate;maisd’heureusesréformespermettentaujourd’huiàcetteécolecélèbredelutterd’utilitéavecl’Écolecentraled’in-dustrieetdecommerce,fondéeparunsimpleparticulier,maisdirigéepardesprofesseursduplushautmérite.LesusinesdeFrancesesontdéjàenrichiesdesnombreuxélèvesdesDumas,desPeclet,desPayenetdesPerdonnet,quiportentdanstouteslesbranchesdesmanufacturescetespritinvesti-gateuretsynthétiquequidistinguecesmaîtreshabiles.
LeDirectoireordonnalapremièreexpositiondel’industrieenFrance;elleneduraquetroisjoursetc’étaitencoretroppourétudierlepeud’objetsquis’ytrouvaient.
Lasecondeexpositioneutlieuen1801;lemétierJac-quardyfutsimplementhonoréd’unemédailledebronze.
Onprésentaàl’expositionde1802lapremièrepiècedemousselinefrançaise,quifutrepousséeparlejurycommeétantd’origineanglaise.L’expositionde1806commençaseu-lementàsignifierquelquechose.
Troisexpositionseurentlieusouslarestauration;ellesbrillaientsurtoutparlenombreetlabeautédesornementsd’église,
Lestroisexpositionsde1819,1823et1827constatèrent
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degrandsprogrèsdansleslainages,lamétallurgieetlacon-structiondesmachines;cefutverscetteépoquequelecélèbreTernauxdotalaFrancedelafabricationdescache-mires.
L’expositionde1834surpassad’autantlespremièresquecelledontnousallonsparlerl’emportesurlaprécédente;maisnouscraignonsbienqu’ellenesoitladernière,car,àmoinsquelaguerreoul’anarchienefasserétrograderl’in-dustrie,ilneseramatériellementpluspossiblederecueillirdansunmêmelocallesinnombrablesetingénieuxproduitsdel’intelligencefrançaise.
C’estpeut-êtreicilelieud’examinerrapidementlaques-tionmoraledesmachineset,commenoussommesentière-mentd’accordsurcepointavecledocteurVillermé,nousn’hésitonspasànousrangeràsesidéesquinoussemblenttrancherdéfinitivementcettequestionsilongtempsdébat-tue.
«D’abord,l’emploidesmachinesestunfaithorsdedébats.Lorsmêmequ’ilproduiraitdegrandsmaux,ilseraitnéces-sairedes’ysoumettre.Unpeuplequin’adopteraitpaslesnouvellesdécouvertesdanstelleoutellebranchedel’indus-trie,tandisquesesvoisinsleferaient,seplaceraitdansunétatévidentd’infériorité.Non-seulementilnepourraitplussesoutenirsurlemarchéextérieur,maisilnegarderaitpasmêmelongtempslemarchénational.Unecontrebandeactives’organiseraitsursesfrontières,dèsqu’elleoffriraitunbénéficeconsidérable,ensortequelesfabricants,pouravoirpersistédanslesanciensmodesdeproduction,seraientbien-tôtcontraintsdeneplusrienproduire.
«Silesouvriersn’ontplusautantdemain-d’œuvreparl’in-
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troductiondesmachines,ilsn’enauraientplusdutoutsanselles.Aujourd’huilespeuplesdoiventourenonceràtouteindustrie,ouensuivrelesprogrès.Pourempêcherl’appli-cationdesnouvellesinventionsindustrielles,ilfaudraitquetouteslesnationsciviliséesfussentd’accordpourneplusadopterdesmachinesquisimplifieraientletravail.Maiscetaccordestimpossible:ilseraitabsurde;ilseraitfuneste.
«Lesmachinesamènentàlalongueplusdebien-êtrepourtoutlemonde,etmêmeuneplusgrandesommedemain-d’œuvre(1),aprèsavoirproduitquelquesperturbationspar-tielles.Ainsitouteslesdéclamations,touteslesplaintesquel’onélèvecontrel’emploidesnouveauxmoteursn’ontau-cuneportéeetnepeuventaboutiràrien.Lamarchedel’in-dustrieestunenécessitésupérieureàlapuissancedetouslesgouvernements.
«Ensecondlieu,lesmachinesontcetavantagededispenserl’hommedestravauxlesplusrudesetlesplusabrutissants.Ellesfontcequin’exigeaucuneinterventionintelligente,cequis’accomplitparunprocédéuniforme.C’estaussiunprogrèsdontilestbondetenircompte.L’hommeserelèveetmonted’undegréverslaplacequ’ildoitatteindre,touteslesfoisqu’iln’aplusàremplirdesfonctionspurementmécaniques.Danslesancienstemps,desesclavess’attelaientàdesmeules,commedesbœufsàunmanége,pourécraserleblé.Aprèsleshommes,onaemployélesbrutes;aprèslesbrutes,lesmachines.Ladignitéhumaineetlacivilisationdoiventygagner.
(1)TémoinlafabricationdutulleenAngleterre,quin’occupaitque2,000personnesavantl’inventiondumétier,etquienemploieau-jourd’huiplusde200,000.
—XXXIV—
«Voilàleboncôtédel’introductiondesmachines;ilayenunautrequidoits’améliorer:c’estlecôtémoral.Unétablis-sementindustrielnesefondequ’avecd’énormescapitaux,d’oùilsuit:
«1°Quelepassagedel’étatd’ouvrieràceluidemaîtrede-vientdejourenjourplusrare;2°queleschefsdel’industriesontdesgrandsseigneurs,quin’ontplusaveclesouvrierscesrapportsdebienveillanceetpresquedefamillequ’onremarquaitàl’époqueoùlesmaîtresprenaientordinaire-mentleursrepasaveclestravailleursensous-ordreetleslo-geaientdansleursmaisons;3°quel’alliance,siprécieuse,siheureuse,del’occupationindustrielleaveclestravauxagricoles,estdejourenjourmoinspossible:lenombrediminuerapidementdeceshabitantsdelacampagnequijoignaientàlacultured’unoudedeuxarpentslerevenud’unmétierdetisserandoudefileur.
«Cettepopulationpaisible,rangée,laborieuse,économe,adûs’entasserpeuàpeudanslescentresindustriels,fré-quenterdevastesateliers,etdanscenouveaugenredevietoutessesanciennesvertusontétéremplacéespardesvices.
«Enfin,ledéveloppementdesforcesmécaniquesestlaprincipalecausedescrisescommercialesquireviennentdansnotresiècleavecunerégularitépériodique,etmenacentd’êtretoujoursplusfréquentes.Lesmachinesstimulentl’in-dustrieoutremesure,favorisentuneproductionexagérée,permettentdefranchirtouteslesbornesdelaprudence,en-combrentlesmagasinsdemarchandisesdontlaconsomma-tionneveutpas,malgrél’abaissementduprix,etlaissentalorssansouvrage,parconséquentsanspain,desmilliers
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deprolétaires,aprèslesavoirassujettispendantquelquetempsàuntravailexcessif,ettoutàfaitcarabrutissantunpaysanquivients’atteleràquinzeansàunmétieràfiler,enpeutsortiràcinquantesansavoirrienappris,sicen’estdeuxoutroismouvementsautomatiques,quilerendentd’ailleursimpropreàtoutautregenred’occupation.»
Toutcelaesttrès-affligeant;maisoùtrouverici-basuneinstitutionquin’aitsonbonetsonmauvaiscôté?S’iln’yavaitpasderichesfabricants,iln’existeraitpasmoinsdemi-sérablesouvriers;nousnoustrompons,ilyenauraitmoins,maisc’estparcequ’ilsnetrouveraientpaslemoyendesubsis-ter.Resteàpeserlagrandequestionquevoici:Lenéantest-ilpréférableàuneexistencedifficilesoutenueparl’espéranced’unmeilleuravenir,surtoutsicetteespérancen’estpasdénuéedeprobabilités?Carunjourviendraoùlaproduc-tiondelarichesseseratellementabondanteetorganisée,quechacunaura,non-seulementlenécessaire,maisencoredusuperflu;etcemiracleseralefaitdelascienceunieàl’industrie,personnaliséesdanslesinventeurs.Cequicauselaruinedesfabricantsducontinentc’estdevouloirembras-serlafabricationdetoutcequitoucheparunpointàleurindustrie,c’estl’histoiredeSeraingetdeCouvin;lefabricantdeferveutavoirdeshouillères,ilveutfaçonnersonpro-premétal,construiredesmachines,fairedelachaux,desbriquesréfractaires,dudrap,ducoton,dupapier,delafaïence,ainsidesuite,sousleprétextequ’ilabesoindecesobjetspoursonusageetceluidesesouvriers.
LesAnglaisseulsontsentiqu’ilfallaitfractionnerlesdiversesindustriesdontuneseulesuffitpouroccuperlaca-pacitétotaleduplushabilefaiseur.Ilsontcomprisquecet
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appétitdésordonnédevaittoujoursfinirparuneprostrationindigesteetmortelle.
Quandlesgouvernementscomprendrontqu’ilestjustedegarantirlapropriétéintellectuelleàlégaldelapropriétéfoncièreetmobiliaire,laluttedel’hommeauxprisesaveclamatièreserapromptementterminée;ilfiniraparladompteretl’assoupliràsesbesoins;ilserendramaîtredeséléments,commeleKirghisserendmaîtreduchevalindomptéquiparcourteffrénélessteppesdelaRussied’Asie.
Nousn’hésitonspasàcroirequelepaysquiassimileralepremier,dansseslois,lapenséematérialiséeenmachines,àlapenséeécriteenvolumes,quiaccorderaauxinventeurslamêmefaveurqu’auxauteurs,netarderapasàl’emportersurtouteslesnationsvoisines,bienplussûrementqueparlesarmes.
Quandunbrevetd’inventionapparaîtracommeunepro-priétédequelquevaleur,unefouled’hommesdegénieselancerontdanslacarrièredesdécouvertes;lescapitalistesn’hésiterontplusàplacerdesfondssurdesprivilègesdontladuréeleursemblerasuffisantepourlesindemniserplustarddessacrificesquenécessitenttoujourslespremiersessais;maisilsontraisonderegardercommeunedérisiondesbre-vetsdecinq,dedixetdequinzeans,tempsàpeinesuffisantpourdéblayerlecheminauxsuccesseurs.Puisseunvérita-blehommed’Étatlireetméditerlespagessuivantesquionteudéjàl’honneurdechangerlamanièredevoirdusavantArago!Onsaitquecedéputédemandaitlasup-
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pressiondesbrevetscommefaisantentraveaulibredéve-loppementdel’industrie;erreurdontilnousapermisdepublierqu’ilétaitentièrementrevenu.
L’inventionestlacivilisation;l’inventeurestl’auteurdetouteslescombinaisonsqueDieun’apasfaites,ilestlecontinuateurdesonœuvre,lepromoteurdetoutpro-grés.
L’inventeurestlepremierhommedumonde;carilfaitquelquechosederiendonnedelavaleuràcequin’enavaitpas,dumouvementauxcorpsinertesetdelapuis-sanceàlafaiblesse.
Watt,enemprisonnantlavapeurdansuncylindre,adonnécinquantemillionsdebrasàl’Angleterre;lanatureneluienavaitpasfaitautant.
Toutcequiexisteendeçàdelanaturebruteestl’œuvredesinventeurs.
Lesinventeurscherchentettrouventdesprocédésnou-veaux,simplifientlesmécaniques,diminuentlafatiguedestravailleurs,abrègentlesdistances,expliquentlesphéno-mènes,enchaînentleséléments,etlesremettentdocilesetfortsentrelesmainsdeshommes.
Lesinventeurssontlatêteetl’âmed’unenation;sanseuxniprogrès,nirichesse,nipuissance.Lepaysquienpossèdeleplus,rendsesvoisinstributairesetvas-saux.
Onluiachèteseslivres,sestableaux,sesdessins,sescouleurs,sesétoffes;onluidemandeseslois,sesrèglements,sesméthodes.Onvientvisitersesmonuments,sesateliers,sesécoles;cartoutcelacesontautantd’inventions.L’esprit
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procèdedemêmedansl’arrangementd’unecharteoùd’unpoème,d’untableauoud’unmétier:quandungéniecom-binedesengrenagesetdescammes,lesautrescombinentdeshémistichesetdesrimes,deslignesetdescouleurs,desnoiresetdesblanches.
Lepeuplequin’ariencombinéestlesauvage,etilresteteljusqu’àl’arrivéed’uninventeur.
Cadmus,Triptolême,Oannès,Moïse,Mahomet,Leibnitzétaientdesinventeurs.
Uneidéeestlapropriétédeceluiquilapossèdelepre-mier,elleluiappartientnefût-cequeparledroitnaturelduprimooccupanti.Ilestlemaitredeladivulgueroud’enpriverlasociété;elleluiappartientàplusjustetitrequelechampoulaforêtdontvousavezhérité:carsivousn’avieznivotrechampnivotreforêt,unautreenjouirait;vousnelesavezpasfaits,etl’inventeurafaitsadécou-verte.
Touteinventionestunaccroissementdelarichesseso-ciale;c’estledéfrichementd’unebruyère,ledesséchementd’unmarais,ladécouverted’unec’estlacompositionmine;d’unlivre,d’undessin,d’unopéra.Vousdonnezgratuite-mentlapropriétééternelleouviagèreàtoutescesœuvresdutravailoudugénie,tandisquevousladisputezàlamachineàvapeurouaudrap-feutre!oubien,vousneleuraccordezqu’àgrandsfrais,pendantpeud’années,unepropriétéin-certaine,scabreuse,illusoire:ilfautconvenirquecelaestbieninjuste.
Ilestdesgensassezlégerspourregarderunbrevetcommeunprivilège,parcequ’onluienàconservélenom;maislebrevetn’estniunmonopole,niunefaveur,niunerécom-
—XXXIX—
pense;c’estundroitplussacréqueceluidel’héritagemême.etlaConstituanteétaitcertestropennemiedesprivilègespourfairegrâceàunseuld’entreeuxenabolissanttouslesautres.
LaConstituanteadit:«Touslesprivilégessontabolis,néanmoinsdesprivilègesexclusifsserontaccordésauxinven-teursouimportateurs,etc....»Cartouteinventionouimportationconstitueuneadditionaufondssocial,puis-qu’ellevientoccuperdesouvriers,utiliserlesmatièrespremières,vivifierlecommerceetl’industrie,attirerlesca-pitauxétrangers,ouempêcherque lesnôtresnesortentpourallerchercherlesproduitsfabriquésailleurs.Lebureaudesbrevetsnedevraitêtreconsidéréquecommel’étatcivildesinventions;unbrevetdéposén’estautrechosequ’uneprisededatecertainequinedevraitpaspluscoûterquel’inscrip-tiondelanaissanced’unenfant.
Lesinventeursetimportateursquiviennentmettreleurindustriesouslasauvegardequelaloileuroffre,ontdoncdroitàlaprotectionetàl’encouragementdetoutgouverne-mentquicomprendsesintérêtsetceuxdupeuplequ’ilrégit;ilseraitinfâmedelesendépouiller,danslespaysoùlesdroitsd’aubaineetdedétractionsontabolis.
Plusunpaysestpetit,plusildoitprésenterdefacilitésetd’attraitsauxinventeurspourqu’ilsconsententàledoterdeleursindustries.S’ilsn’ytrouventquedégoûtsethostilitédelapartdupouvoir,non-seulementilsseretirent,maislesindigèneseux-mêmesportentleurindustrielàoùonleurtendunemainbienveillanteetpaternelle:car,ilfautenconvenir,iln’yaplusguèrequelesgensheureuxquiaientunepatrie;toutleresteestcosmopolite.
—XL—
Nousavonslapreuvequelesinventionsneviennentpointd’elles-mêmes,ouneviennentqueforttard,ettoutretard,nefût-ilqued’unan,qued’unmois,qued’unjour,estuneperteirréparable.
Laraisondececiestfortsimplepourceuxquisaventqu’a-vantdefonderunefabriquequelconqueilfautfairedesvoyages,ramenerouinstruiredesouvriers,graverdesma-trices,payerlapublicité,fairegoûtersesproduits,etquesouventl’onn’yparvientqu’aprèsl’expirationdubrevet.
Unedécouverteestunepropriétésacrée,aditBernarddePalissy.Ellesupposeunemploidetempstrès-longetdesdé-pensessouventconsidérables;legouvernementdoitservirdegarantàl’inventeur.
Lesvéritésnesetrouventpastoutàcoup:iln’appartientqu’àJupiterdefairesortirdesoncerveauMinervearméedepiedencap.
Mettreunfreinàlalibertéetàlagarantiedesrecherches,c’estenimposerunàlalibertédepenser,etquandcelle-cin’existepasiln’yaqu’ignoranceetservitude.
Colbertattiraitlesinventeurs,leurformaitdesétablisse-ments,leurfournissaitdel’argentpourlesexploiter,etsouventilaccordaitdesprivilègesdequinzeàvingtans,commeillefitpourlesglacesdeVeniseetlaporcelainedeSaxe.
Uneremarquedelaplushauteimportance,c’estquelespaysoùl’industrieetlacivilisationontfaitleplusdepro-grès,sontceuxoùlaloiadécrétédemeilleureheurequelapenséeestuneespècedepropriété.Quel’onjetteuncoupd’œilsurlalistesuivante,etquel’onjuge:
En1623,l’Angleterreàobtenusaloisurlespatentes;
—XLI—
En1790,lesÉtats-UnisetlaFrance;
En1812,laPrusseetlaRussie;
En1817,lesPays-Bas,laBavièreetleWurtemberg;
En1820,l’Autricheetl’Italie;
Puisl’Espagne,lePortugaletlesDeuxSiciles;
EtenfinlaTurquie,laPerseetlesIndes,quin’ontaucuneloidecetteespèce;aussines’yfait-ilaucunedécouverte,sicen’estquelquesecretdecouleur,devernisouautresarcanesdenatureàêtretenuscachés.
Cespaysensontprécisémentaumêmepointoùs’esttrouvéel’Europeaumoyenâge,autempsdesalchimistes,devins,astrologues,sorciers,palingénésistes,bohémiensoujuifs,quiparcouraientlescampagnesenvendantleurssimples,leursfiltresmerveilleuxetleurpanacéeuniver-selle,trompanttoutlemonde,àpartirduvilainjusqu’auprince.
C’étaitlebontempsdelatransmutationdesmétaux,desamulettesetdelamagieblanche:ilestunmoyendenousyramenerpromptement,c’estd’abolirlaloiquiprotégeledroitd’auteurpourl’écrivain,ledroitdegravurepourlepeintre,ledroitdemoulagepourle statuaireetlebrevetd’inventionpourl’industriel.
Alors,commeautrefois,s’ilsefait,parhasard,quelquesdécouvertesimportantes,onlestiendracachées;etcommeellesneserontplusenregistréesdanslesarchivesdel’État,ilarriveraqu’ellespérirontsouventavecleurinventeur.C’estainsiquenousavonsperdulesecretdelapourpre,dujaunedeNaples,duverremalléable,desnielles,dufeugré-geois,delapeinturesurverre,etdetantd’autresdontlesnomsmêmesnesontpointparvenusjusqu’ànous.
—XLII—
Biendespersonnesémettentl’opinionqu’ilseraitdésirablequelegouvernementpûtacheterlesinventionsetexproprierlesinventeurspourcaused’utilitépublique.Cemodeouvri-raitunelargeporteauxabusetauxplaintes,cariln’estpasungouvernement,pasunecommissioncapabledejugerdelavaleuroudel’importanced’uneinvention,avantqu’elleaitétécombinéeavectoutcequiexisteoupourraexisterplustard.Quellerécompenseeût-ondonnée,parexemple,àceluiquis’estavisédemêlerdelagélatineavecdelamélassepourenfaireunrouleaud’imprimerie?bienpeudechosesansdoute;ehbien,cetteinventionaconduitàladécou-vertedespressescylindriquescontinuesquirendentpeut-êtreplusdeservicesàlacivilisationquel’inventionmêmedel’imprimerie,àcausedunombreimmensedecopiesquel’onpeutobtenirenpeudetemps.
Nousavonsvu,dansl’admirablerapportdeM.deBouf-flersàlaConstituante,quel’importationdevaitêtreassi-miléeentoutàl’invention;nousquisavonsquel’onnedemandedesbrevetsd’importationquepourdeschosesdéjàéprouvéesetreconnuesbonnesailleurs,nouspensonsquelebrevetd’importationdevraitêtremieuxaccueillietappelédepréférenceparlesgouvernements,aulieud’enêtrerepoussé.
D’ailleurs,importerouinventerestlamêmechosequantauxrésultats:fertilisezunrochernuavecdelaterrenationaleouavecdelaterreapportéedel’étranger,vousenobtiendrezdesproduitségalementavantageuxaupays,c’esttoujours,endéfinitive,unaccroissementdufondssocial.
Lebrevetd’importationn’est,dit-on,queleprixdela
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course.J’enconviens;maistoutici-basn’est-ilpasleprixdel’activité?
L’Amériquenefut-ellepasleprixdelacourse?
Quidoncvoudraitcourirs’iln’yavaitaucunepalmeàcueillirauboutdelacarrière?
FINISLABORUMPALMA.
RAPPORT
FaitàM.leMinistredel’IntérieurdelaBelgique.
MonsieurleMinistre,
Vousm’avezchargédefaireunrapportsurl’exposi-tiondel’industriefrançaise;jem’acquitteraisansdoutetrès-incomplétementdecettetâchelongueetdifficile,maistoutsuperficielquepuisseparaîtremontravail,j’oseespérerqu’ilneserapassansutilitépournosartsetnosmanufactures.
Ilvousseraagréabled’apprendre,M.leministre,quelamissiondontvousm’avezchargé,m’aouvert,non-seulementlesportesdel’expositionauxjoursetheuresexceptionnels,maisencorecellesdeslabora-toiresetdesateliersparisiens.
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Jenecroispaspouvoirpassersoussilencelamanièreobligeanteaveclaquelleleministère,lessavants,lesingénieursetlesindustrielsfrançaism’ontaccueillietm’ontfournilesmoyensdemelivrerutilementàdesexplorationssouventdifficilesetquelquefoisimpossibleslorsqu’onestdépourvud’introductions.
Cethommagerenduàlabienveillancedenosvoisinsapourbutd’appelersureux,delapartdesBelges,unejusteréciprocitéenpareilleoccurrence.
Nous nesommesplusautempsoùtoutétaitmystérieuxetcaché:lavéritableindustrie,l’industrieavancéetra-vailleaugrandjour,etl’onpeutsupposerqueceluiquis’enfermeestaussipauvreenprocédésquel’idiotquicache,commeuntrésor,desfeuillesmortesoudescaillouxaufondd’uncoffre-fort.
L’industrieabesoind’airpoursedévelopper;telou-vresesateliersàuncurieuxquireçoitsouventdeluiplusqu’ilnepeutluirendre.
Cettevérité,sentiedepuislongtempsparlesAméri-cains,prévautdepuispeuenAngleterre,etcommenceàpénétrerenFrance.Lejourn’estdoncpaséloignéoùlavisitedesvoyageursinstruitsserasollicitéecommeunefaveurparleschefsdemanufactures.
L’instinctcommunicatifdesFrançaiséclairéslespoussedepréférencedanscettevoieenverslesétran-gers;voilàpourquoij’aipumoissonneràpleinesmainslàoùlesindigèneseux-mêmesnesontpastoujoursadmisàglaner.
Ayanteul’occasiond’étudierl’expositionfrançaisede1834,jedoisdirequ’ellenem’apaslaissél’impressiond’unesupérioritébienmarquéesurl’expositionbelgede1830,dontj’avaisl’honneurd’êtreundescommis-
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saires;maislesprogrèsaccomplisenFrance,pendantcescinqdernièresannéesdepaix,sonttels,quelajoutenousseradifficileàsoutenir,quandnouscroironsdevoirdescendredansl’arèned’unenouvelleexposi-tion.
Lesautresnations,engénéral,n’ontrienàopposeràcesbronzesmagnifiques(1)quiconstituentundesplusbrillantsproduitsdel’industriefrançaise;àcestissusaériensdemousseline-lainequimenacentdedé-trônerlecoton,malgrésesmiraclesdefinesseetdebongoût;àcesbrillantessoieries,àceschâlesmagnifiques,chefs-d’œuvreduchef-d’œuvredeJacquart;àcescris-tauxcolorés,façonBohème;auxlampesdemilleetmilleformes;auxporcelainesréfractaires,auxinstrumentsdeprécision,àlabijouterie,àlafineébénisterie,arrivéeencemomentauplushautpointdeperfectionqu’ilsoitraisonnablementpermis;d’espérerunpasdeplus,etlesincrustations,aujourd’huisublimes,desmeublesdeBoule,seraientpartropchargéesd’inutilesornements.
NousneparleronspasdelasupérioritédelaFrancedanslesproduitschimiques,danslesfleursartificielles,l’orfévrerie,laparfumerie,lafaussebijouterieetlesobjetsdemode:elleesttropconnuepourqu’onsongeàlaluicontester;mais,parcontre,laBelgiquel’em-porteparsesgrandesindustries,baséessurlesproduits
(1)Nousapprenonsavecplaisirqu’unétablissementdecettena-turevientdesecréeràGandparlessoinsdeM.Trossaert,avecdegrandsélémentsdesuccès;nousnedoutonspasqu’iln’aitunmeilleuravenirquelesessaistentésàdiversesreprisesdanslacapitale.M.DoresseetM.BrichautontfaitinutilementdefortbelleschosessanspouvoirsoutenirlaconcurrencedesParisiens,quitiennentlesceptredelamodeetdugoûtdanslemondeentier.
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desonsol:carlarichesse,enBelgique,estàdeuxétages;laBelgiquedoitplusàlanature,maislaFrancedoitplusàl’art.Nuldoutequesilepeuplefrançais,jetantlefusilpoursaisirlemarteau,avaitsuseservirdulevierdel’association,iln’eûtpastardéàprendredansl’industrielerangqu’iloccupaitdanslesarmes;maisnousvoyonsavecpeinecettenationquisemblait,en1830,désireusedesecouersonancienneréputationdelégèretépourdevenirunpeuplepenseur,abandon-nercettelouabletendance.Onauraittortdecroirece-pendantquecetéchecaitruinébeaucoupdemonde;carlafuriafranceseadopteuneidéeneuveavecfureuretlarejettedemême.Parexemple,lancésenaveuglesdanslesystèmedel’association,lesFrançaiss’ensontretirésenétourdis.Ilestvraiquel’association,àsonentréedanslacapitale,esttombée,commeunejeunenovice,endefortmauvaisesmains:ellecherchaitd’honnêtesetsolidesmaisons,onl’aconduitedanslescoulissesdelaBourse,d’oùelles’estéchappée,meur-trie,échevelée,pournerevenirdelongtemps.
D’unprétendumilliardversédanslessociétésencommandite,fondéeslaplupartsurdesindustriesfic-tivesousurdesinventionsinachevées,iln’yapaseudixmillionsderéellementengagés;touscescrisdesspéculateursdésappointésn’étaientpointcauséspardespertesréelles,maispardesmanqueàgagner,commeondit:telperdait500actionsindustriellesdemillefrancsqu’ils’étaitappliquéescommefondateur,banquier,en-tremetteuroucompère,quiallaitpartoutsevantantd’avoirperduundemi-million.Desortequelemilliardenfouidanslesaffairesdel’associationn’a,aufond,ruinepersonne,maisilauraitenrichitoutlemondesi
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l’oneûtopéréavecautantdesagessequ’onl’aplusgé-néralementfaitenBelgique,oùl’associationaétépriseausérieuxparbeaucoupd’hommesquiavaientdelafortuneetdelaconsidérationàconserver,premièreetindispensableconditiond’unesociétéjaloused’inspirerdelaconfiance.
Maisrevenonsaufaitdel’exposition,oùplusieursfautesgravesontétécommises:lapremièreestd’avoirnégligéd’exigerdechaqueexposantunenoticesursesproduits,sesinventionsetleursavantages.Lejury,delasorte,auraitpuconnaitrelacause,souventénigmati-que,deleurprésenceàl’exposition,toutenfaisantlapartducharlatanismepersonnel,facileàreconnaîtreparunjury.Cedéfautcompletderenseignementsetl’absencedesexposants,quandlejuryavaitbesoind’eux,aétécausedeplusd’uneerreurdansladistri-butiondesrécompenses.Lamesuredontnousparlonsn’ajamaiséténégligéeauxexpositionsbelges.
Lasecondeerreuraétédeconfieràunseulhommelaréception,leclassementetlerenvoidetouslespro-duits,aulieudedivisercettebesogneentreautantdecommissairesqu’ilyavaitdesalles.
Letroisièmeinconvénientaétélacréationd’unjurytropnombreux:car,enpareilcas,chacunsereposesurlesautres;aussi,laveilledelaclôture,restait-ilen-core600numérosàexaminer.
Selontouteapparence,laFrancen’auraplusd’expo-sitionsgénérales.L’accroissementprogressifdunombredesexposantsesttel,àchaquesolennitédecegenre,qu’ildevientphysiquementimpossibled’abriter,declas-seretd’apprécierunemassedeproduitsaussiconsidé-rableetaussivariée.L’opiniongénéraleestaujourd’hui
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pourlesexpositionsannuellespargrandesclassesdeproduits,commenousenavonsémisl’idéedansletemps.
Cetaccroissementdanslenombredesexposants,mal-grélesfraisquienrésultentpoureux,estlapreuvedesavantagesqu’ilsretirentdesexpositions,neserait-cequeparlapublicitéeuropéennequelesrécompensesnationalesattachentàleurnometàleursproduits;carlapublicitéestlaviedel’industrie:leproverbetrivial,Abonvinpasd’enseigne,n’estpasapplicableauxmanu-factures.
Quelsquesoientlaperfectionetlebasprixdesob-jetsenfermésdansunmagasininconnu,personnen’yentrera,etlafabricationnouvellepériraavantdes’êtrefaituneclientèle.
Souslerapportdelapublicitéseule,lesexpositionssontdoncd’unavantageextrêmepourl’industrie;etcelaesttellementbiensentiparlesexposants,qu’ilenestplusieursàquil’expositionacoûtéde100à200millefrancs.LeCreusot,parexemple,adépensédegrandessommespourletransportetlemontagedesalocomotive;KœchlinetSchlumberger,pourleursgran-desmachinesàfilerlelin,lalaineetlecotonetpourcellesàfabriquerlepapier,etc.
Onacommisungrandoublietunefauteennégli-geantd’organiseruneloterieàl’exposition,àl’instardecequenousavonsfaitenBelgique;cariln’estpasdeprincesouderichesvisiteursétrangersounationaux,quinesefassentunplaisird’encouragerl’industrieenprenantdesbillets:chacunaimeàfairelebien,surtoutquandilytrouveuneperspectivederémunération:et,celled’obtenirquelques-unsdeschefs-d’œuvrelesplus
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consciencieusementtravaillésdel’expositionn’estpasunedesmoinsattrayantes.
Plusd’unepièceexceptionnellen’asouventdùsonexistencequ’àl’espoird’entrouverleplacementàl’ex-position.Ehbien,onalaissépesertoutlesoindecesencouragementssurlafamilleroyale:iln’estpasunexposantquin’aitmistoussesmoyensettoussespro-tecteursenjeupourfaireacheterparlacourleplusrichedesesproduits;voilàpourquoil’onvoyaitécrit,pendantlesderniersjoursdel’exposition,surunemul-tituded’objetsdeluxe:Achetéparleroi,achetéparlareine,achetéparleducouladuchessed’Orléans,etc.
S.M.Louis-Philippeafaitdixvisites,etleducd’Or-léansplusdevingt,àl’expositionfrançaise,parlantàtouslesexposantsetleurparlantavecconnaissancedecause;carilestpeudeprincesenEuropequiaientmieuxprofitédesfacilitésdes’instruirequeleurdonneleurposition.Leducd’Orléans,parexemple,asesap-partementsornésdeschefs-d’œuvredelamécanique,etfaitdegrandesdépensesenessais,sousladirectiondeM.Pouillet,sonancienprofesseur,etdesbaronsThé-nardetSéguier,dontilaimeetcomprendlesconseilséclairés.
S’ilestavéréequelapublicitéproduiteparlefaitdesexpositionsestnécessaireauxindustrielsd’unpays,ellene’stpasmoinsutileauxétrangers.
Combiendefoisn’ai-jepaseul’occasiondevoirdesindustriels,desartistesetdesparticuliersfortenpeinedesavoiràquirecourirpourobtenirseulementla-dressedu’nefabrique,d’unemaison,oulenomdel’inventeurd’unproduitnouveau,dontilsavaientlepluspressantbesoin!Quedefoisaussimesrelations
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avecleshommesetleschosesdel’industrienem’ont-ellespasmisàmêmedefairedesheureux,quandjeparvenaisàleurprocurerlesrenseignementsqu’ilscher-chaient!
Lerapportquej’aurail’honneurdevoussoumettre,M.leministre,auradumoinsceladebon,qu’ilfour-niradenombreusesindicationsd’uneutilitéincontesta-ble,non-seulementànosmanufacturiers,maisencoreàfousceuxquis’occupentdessciencesappliquées,etauxparticuliersmêmequipayentordinairementdeuxoutroisfoispluscheràladeuxièmeoutroisièmemain,ques’ilsallaientdroitaufabricantdontlesdébitantsontleplusgrandintérêtàcacherl’adresse.J’auraidoncsoindelesjoindreàchaqueappréciationd’unobjetquienmériteralapeine.
Sic’estungrandavantageenindustriedesavoirqu’unechoseestfaite,qu’unproduitexiste,cene’nestpasunmoindredesavoiroùl’ondoits’adresserpourselesprocurer;iln’estpasuntravailleurquin’aitvivementsenticebesoin,etplusdu’neexpérience,uni-quementparcettecause,aétémanquée,oun’apaseudesuite.
Quelquespersonnesàl’espritlégersesontécriées,enjetantuncoupd’œilvaguesurl’exposition:Iln’yàriendeneuf!Elless’attendaientpeut-êtreàtrouverlafaceentièredel’industriechangéedansl’espacedecinqans,àvoirtoutcequedessièclesontproduit,rem-placéparquelquechosedemieux.Leprogrèsnevapasd’unpareiltrain;c’estdéjàbeaucoupd’uneving-tained’inventionsnouvellesetdequelquescentainesdeperfectionnements,danslecourtespaced’unlustre.Aprèsavoirétudiéavecleplusgrandsoinl’exposition
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de1839,nouspersistonsàdirequ’elleétaitetserapeut-êtrel’assemblageleplusmagnifiquedesœuvresdel’in-telligencehumainequ’ilaitétéetserajamaisdonnéàunhommed’admirerdansunemêmeenceinte.
Ilnefautcependantpasselaisserfascinerparlabrillanteexécutiond’unefouledepièceshorsdelignequisontévidemmentlesproduitsd’unelongueconten-tiond’imagination,d’unegrandedépenseoud’unre-doublementd’efforts,endehorsdelafabricationhabi-tuelle;desemblableséchantillonsontpassélafrontièredel’industriepourentrerdansledomainedel’art,oùlesmotsprixderevient,prixdevente,nedoiventja-maisêtreprononcés.Aussilesexposantsdecetteca-tégoriesesont-ilsabstenusd’indiquerleprixdefabri-quesurleurschefs-d’œuvre.
Lavéritableindustrie,aucontraire,n’aetnedoitavoirenvuequedeuxchoses,enfaitdeprogrès:abais-sementdesprixàqualitéégale,ouqualitésupérieureauxprixdel’annéeprécédente;voilàlecriteriumdecequel’onentendparindustrie.Toutfabricantquin’estpasdansl’uneoul’autredecesconditionsnepeutsevanterd’êtreenprogrès.C’estfauted’avoirétéprévenusdecettedistinctionquelesjurysd’admissionontacceptéunsigrandnombredepiècesuniquementsusceptiblesdefigurerdansuneexpositiond’objetsd’art:parexem-ple,lareprésentationenliége,desmonumentsromainsdumididelaFrance,taillésaucanifparunhommedetalent;unefouledetapisseriesetdedessinsbrodésàl’aiguille,oudesobjetsuniques,chefs-d’œuvredepa-tienceindividuelle,quinepeuventêtremultipliés,nilivrésàl’usagegénéral.
Siplusieursexposantsartistiquessonttombésdans
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l’erreurquenoussignalons,nousdevonsrendrejusticeauxvéritablesmanufacturiers:leurexpositionaétéconsciencieuse.Leministreducommerce,M.Cunin-Gridaine,fabricantdedrapslui-même,nousafaitob-serverquelesdrapspareilsauxplusbeauxquenousayonsvusfigureràl’exposition,setrouvaientdéjàcheztouslestailleursdeParis,etnousavonsvunous-mêmeungrandnombrededamesvêtuesdesplusfinsetdesplusélégantstissusdecotonetdemousseline-laine,quibrillaientdanslesétalagesdeMulhouse.
Nousexamineronsplusloinchacunedesindustriesenparticulier,etlesaméliorationsquenousyauronsaperçues,sansnouslaisserinfluencerparlesopinionsplusoumoinscontraintesdesécrivainsquinousau-raientdevancé.
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PAPIER.
MOYENSDEFABRICATION.
Berzéliusadit:«Lahouille,c’estlacivilisation.»Onpourraitàaussijustetitreattribueraupapiercequ’ilditdelahouille;carsanslepapier,l’instrumentlepluscivilisateur,lapresse,devenaitinutile.
Iln’estpeut-êtrepasunebranched’industriefran-çaisequiaitfaitd’aussinotablesprogrèsdepuisdixansquecelledupapier;elles’estcontinuellementrappro-chéedelaperfectionanglaise,toutenfaisantsubiràsesprixunediminutioninversedesonamélioration,tandisquelepapieranglaisàcontinuéd’êtrecher.Onpeutdireaujourd’huiquelapapeteriefrançaisepossèdeletripleavantagedelaqualité,delaquantitéetdubonmarché.
L’inventeurdupapierestinconnu,commelaplupartdesinventeursdechosesutiles;maisonaconservéle
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souvenirdetouslesauteursdechosesfutiles,etiln’yapeut-êtrepasunnomderomancier,dechanteuroudedanseur,quisesoitégaré.
ChacunsaitquelepapyrusdesÉgyptienssecompo-saitdelasecondeécorceduroseaucyprèsquel’onpla-çaitenbandesd’unoudeuxpoucesdelarge,lesunesàcôtédesautres,etquel’oncontre-croisaitpard’au-tresbandes.Letoutsemettaitsouspresseetformaitparadhérence,desfeuillesdepapier,commeonenvoitencoredeséchantillonsaumuséeduLouvre;celares-sembleassezàunenattedevieuxpaillassonsetn’apasdeblancheur.
Ilestplusqueprobablequelevraipapierdepâteestd’inventionchinoise.Nousavonsbeaucoupconnuunbravehomme,nomméBreton,quiestrestévingt-troisansenChine,oùilétaitalléenqualitédemajordomedel’ambassadeurhollandaisVanBraemt.IlavaitmêmeépouséuneChinoisequ’ilaramenéeenBelgiqueavecsesenfants(1).Commeilétaitillettré,iln’arienécritsursonséjouràPékin,àNankinetàCanton;maisnousavonseusoinderecueillir,dansdefréquentsentre-tiens,toutcequ’ilavaitapprisdel’industrieetdesmœursdecettenationtroisfoisplusnombreusequetoutescellesdel’Europeréunies.Cesdétailsserontd’au-tantmieuxaccueillisquenousobtiendronsdésormaisbiendifficilementdesnouvellesdel’industriechinoise,
(1)Cettemalheureusefamillevégètedanslaplusprofondemi-sèreauxenvironsdeGhislenghien.Sonchefregrettaitd’avoirquittélesChinoisdontilnousvantaitlesmœurssimples,doucesetdroites.«Jenesuisplusassezmalin,disait-il,pourvivreparmimescompatriotes;ilsonttropfaitdeprogrèsenégoïsmependantmonabsence.»
—1926
parsuitedeséditssévèresquelesmarchandsd’opiumontattiréssurlesbarbaresd’Occident.
Voicicequ’ilnousacontédeleursfabriquesdepa-pier,danslesquellesilestsouvententré.Lecapitaldetaëls,nécessairepourmonterunefabriquedepapierenChine,n’estpasconsidérable,àenjugerparl’outillagesecomposequedequelqueschaudièresenfonte,quinedequelquesbacsenbois,d’unesorted’étuvecouverteenstuc,deplusieursclaiesenbambou,etdeformeségalementconstruitesenpetiteslattesdebambou,très-habilementréunies.Voicileurmoded’opérerpourpro-duirelepapierdeChinedontnousnousservonspourl’impressiondesgravures,papierquivientseulementd’êtreinventéenFrance.
Lesbottesdemûrieràpapier,composéesdebrinsdelagrosseurd’uneplumeetdégarniesdeleursfeuilles,sontplongéesdansunechaudièred’eaubouillante.L’in-stantdelesretirerestindiquéparleretraitdel’extré-mitéinférieuredel’écorce,mettantànuenvironunpoucedeligneux.
Onôtecesgerbesdeschaudières,etonlesétalesuruneclaieoùellessontbattuesàcoupsdebambou(carlebambousertàtout),jusqu’àcequelafibres’endé-tacheavecl’écorceetdonneuneespècedelinquelesfemmespeignentàlamainpourlepurgerdetouteécorce.Cettefilassesoyeuseestjetéedansuneespècedemortierenpierre,dontl’ouvertureestàfleurdusol;lepilondecemortierestunepoutreenboisdur,dresséeperpendiculairementaumilieudumortieretretenueparunchâssisenfortsbambous,placéàhau-teurd’homme.Desouvrierssoulèventcettepoutreavecdeslevierssurlesquelsilsdansentassisoudebout,al-
—1927—
ternantainsil’emploidedifférentsmuscles,cequilesfatiguemoins,disent-ils,qu’unmouvementuniforme.Lafilasseréduiteenpâteestmisedansdescuvesavecdel’eaupure,quandilsveulentl’avoirsanscolle,etavecdel’eauderizquiluidonneunlégerencollage.
Deuxouvrierspuisent,avecleurforme,unefeuillequ’ilsfontégoutterenimprimant,avecunbâtoncré-nelé,unlégertrémoussementàlaforme,pourégaliserlapâte.Chosesingulière,ilsn’interposentpoint,commenous,unflotreenflanelleentrechaquefeuille;ilslesplacententaslesunessurlesautres,enayantsoindemettreunepetitelatteàl’unedesextrémités.Cettelattesertàsaisiretàreleverlesfeuillesquiadhérentlégère-mententreelles.
Chaquefeuilleestétaléesurlaplate-formeenstuc,souslaquelleonentretientdufeu.Onlaforcedes’ap-pliqueraustuc,avecunebrossefineetdouce;l’eauestévaporéeenquelquessecondes,etlafeuilleparfaitementséchéevaformerunpaquetdecentfeuillesquel’onplieenzigzagsouslaformequenousleurvoyons.
Toutlematérield’unegrandepapeteriechinoisenevautpasquinzecentsfrancs;lamain-d’œuvrec’estéva-luéeà25centimesdenotremonnaie;laramedecentgrandesfeuilles,quenouspayonsde60à80fr.,varieentre8et9francssurleslieux.
Touteslesfeuillesdeslivreschinoissontdoublées,parcequeleurmoded’impressionnepermetd’impri-merqued’unseulcôté.Onneserapeut-êtrepasfâchédesavoircommentilss’yprennent.Lesnotesdenotrevoyageurvontencorenousl’apprendre.
Unlettréécritproprementaupinceaulesouvragesqu’ildestineàl’impression;cettefeuilleestcollée,l’é-
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critureendessous,surdesplanchettesd’unboisforttendre,particulieràlaChine.Quandlafeuilleestsè-che,ilsl’humectentlégérementavecuneépongeetladétachentdelaplancheoùellelaissel’empreintedescaractères.Cesplanchessontenvoyéeschezlesdécou-peurs;cesont,pourlaplupart,desfemmesetdesen-fantsdelacampagne,quitailladentfortproprementleslettresavecdepetitsinstrumentsd’acier,etformentdesreliefssemblablesàceuxdesplanchesàimprimernosindiennes.Onréunittoutescespetitesformessurunetableplane.Ilsn’ontaucunepresse,aucunrouleau,niriendetoutcetattirailcoûteuxquicomposenosim-primeriesd’Europe.Letoutseréduitàpasserlégère-mentunebrosse,trempéedansl’encre,surtoutelasur-facedelaforme.Celafait,unenfantplaceetmaintientl’extrémitéd’unefeuilleauborddecetteforme;unautreenfanttientl’autreextrémitésoulevéeettendue,pendantquel’imprimeurpassesurlafeuilleunebrossesèchequilafaitadhéreretprendrel’encre.Unbonou-vriertireordinairementtroisfeuillesde chaqueencrage,enappuyantsuccessivementunpeuplusfortaveclabrosse.
L’encrequ’ilsemploientétantdélébile,touslesvieuxpapierssontlavésetretournentaupilon.
Decettesorte,leséditeursn’ontpasdecapitalmortcommelesnôtres.
M.Bretonavufaireuneautreespècedepapierd’em-ballagetrès-tenace,quinesedéchirepasplusaisémentquedelamousseline;lebaspeuplechinoiss’ensertenguisedemouchoirdepoche.Cepapier,dontilnousadonnédeséchantillons,estcomposédebourredesoie.
QuandlesEuropéensapportèrentenChinelespre-
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mierséchantillonsdepapiersansfin,endéfiantlesChi-noisd’enproduiredesemblablesanslamachinedequatre-vingtmillefrancsquivenaitd’êtreinventéeparLégerDidot;cesindustrieuxartisans,qu’aucunediffi-cultén’arrête,offrirentaunégociantanglaisdeluienfournirautantqu’ilenvoudraitetdetellelongueuretlargeurqu’ildésirerait:ilslefirentcommeilsl’avaientpromis,enremplaçantlamachinede80,000fr.parunlongcuvierquinecoûtepas40fr.
Voicileurprocédé:ilsbroientetdivisentlabourredesoie,commenousl’avonsdéjàdit,etjettentledé-battudanscegrandbacqu’ilsexposentausoleil.Labourre,spécifiquementpluslégèrequel’eau,montein-sensiblementàlasurfaceetformeunepelliculeàla-quellelesoleildonneassezpromptementuneconsis-tancesuffisantepourrésisteràunelégèretraction;unouvrier,saisissantadroitementuneextrémitédecetteespècedecrèmeentredeuxpetiteslattes,l’attirelégé-rementaudehorsdubac,dontl’eauestmaintenueauniveaudelaparoidesortie;àmesurequ’iltirecettefeuille,d’autresmoléculesdesoiemontentàlasurfacedelapartiedécouverteetsesoudentàl’autreextrémitédelafeuille,quisecontinuejusqu’àcequelamatièreàpapiercontenuedanslebacsoitépuisée.
Danslafabricationhabituelle,lafeuillen’aquevingtpiedsdelongsurtroisdelarge,d’aprèslesdimensionsdubac.Onétalecesfeuillessurl’herbe,pourlesfairesécher,enayantsoindelesretourner.Lesenclosdesti-nésàcesfabriquesressemblentenétéàdesblanchisse-riesdetoile.QuandlesChinoisveulentobtenirunefeuillesansfin,chosequ’ilsconsidèrentcommeinutile,ilsroulentlapelliculesoyeusesuruncylindreadapté
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aubac,enintercalantdesfeuillesdéjàséchéesentrelescirconvolutionsdelafeuillecontinue.
Cepapierjaunâtresertàl’emballagedesétoffesetob-jetsdequincaillerie;iln’estpas très-égald’épaisseur,maisiloffreunerésistancetellequ’unebandedetroismillimètressupportelepoidsd’unkilogrammesansserompre.Iltiresaforcedesbrinsdebourre,dontquel-ques-unsontlalongueurdedeuxàtroiscentimètresapréslafabrication.
Nouspensonsqu’onferaitbiendetentercetteentre-prisedanslemididelaFrance,oùlesdéchetsprove-nantdescoconssontsiconsidérablesqu’unchimisteacruleurtrouverunbonemploi,ilyaquelquesannées,enconseillantdelesfaireserviràl’engraisdesterres;maisnouscroyonsqu’onatrouvédepuislorslemoyend’entirerunmeilleurparti.
Quoiqu’ilensoit,l’Europenesauraitréclamerl’in-ventiondupapier,qu’elleneconnait,commelesmou-linsàvent,quedepuislescroisades.CemouvementduNordversleMidi,semblableàceluidesHunssurl’Ita-lieetdesRussescontrelaFrance,n’était,endéfinitive,commelaplupartdesinvasions,qu’uneattaquedesbarbaresduNordcontrelacivilisationlaplusavancéedel’époque.
Unedouzainedeprisonniersfrançais,ayantétéem-ployésdanslapapeteried’unSarrasin,rapportèrentcettefabricationenFrance;parmieuxsetrouvaitunMontgolfier,souchedesingénieuxdescendantsdelafa-milleactuelle,quiétablirentenAuvergnelespremièresmanufacturesdepapier.
Pendantledix-septièmesiècle,laFrancefournissaitdupapieràtoutel’Europe,quin’entraenpossessionde
sesprocédésqu’aprèslarévocationdel’éditdeNantes,parsuiteduqueltouteslesindustriesdelaFranceserépandirentsurlesautrespays.Cetédit,quel’onatantblâmé,adoncpuissammentcontribuéaumouvementindustrieletàladiffusiondeslumières.LesAnglaisenprofitèrentplusquelesautres,etsurpassèrentbientôtlaFrancedanslaplupartdesindustriesquipassèrentledétroit,etsurtoutdanslafabricationdupapier.Maislesplusgrandsprogrèsdecetartnedatentquedepeud’années.C’estàMM.Montgolfier,Johannot,Canson,Delatouche,F.DidotetMenet,qu’ondoitlesplusimportants.Nouspouvons,sanscrainted’êtrecon-tredit,nousplaceràlatêtedeceuxauxquelslaBelgi-queetlaHollandedoiventd’êtrerentréesdanslavoiedelabonnefabrication,qu’ellesavaientperduependantlesagitationsetlesguerresdel’empire.
De1810à1820,lebeaupapierdeHollande,sire-nommé,n’existaitplusquenominalement;lesbonnestraditionsétaientcomplétementoubliées.LaFrancefournissaitàAmsterdammêmelepapierdeHollandeàdessiner,etnoustirionsd’Annonaylegrandaigleducadastredontnousavonspersonnellementposélespre-mièresbasesetassislapremièretriangulationdansl’Emsoccidentalen1811.QuantàlaBelgique,elleétaitencoreplusarriéréeetsebornaitàfournirlepapierjauneetétriquédel’Oracle,seuljournalquiexistatalors;nousenavonsplusdequaranteaujourd’hui,pourlemêmenombredelecteurs,etilennaitencoretouslesjours.Ladécadencemarchaitrapidement,lors-qu’en1817nousintroduisîmeslalithographieenBelgi-que.Nousnepourrionsdiretouslesdéboiresquenouséprouvâmesaveclepapierrêcheetalunédenosfabri-
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ques.Lesdessinslesplusbeauxetlesmieuxfinisnerendaientsurcepapiercoriacequelamoitiédelava-leurdesteintes;les500vuesduVoyagepittoresque,les200planchesdelaViedeNapoléon,seraientma-gnifiquessurlepapierégaletspongieuxdesfabriquesd’EssonneoudesVosges.
Aprèsavoirsouffertpourplusdetroiscentmillefrancsdemartyreaveclespapetiersbelgesethollandais,nousprimeslarésolutiondepétitionnerauprèsduroiGuillaumepourobtenirl’entréeenfranchisedespapiersdeFrance.Notredemandeétaitfondéesurl’impossibi-litéoùnousétionsdenousprocurerlessortesnécessairesàlalithographie,auprèsdenosfabricantsnationaux.Leroilesfittousappeleretleurdemandapourquoiilsnefabriquaientpointlesespècesdontnousavionssigrandbesoin.Ilsrépondirentqu’ilss’efforceraientd’yparvenirsionpouvaitleurdonnerdesinstructionssurlesqualitésexigéespourcespapiers.Leroilesrenvoyaprèsdenouspourobtenircesrenseignements;nousleurdonnâmesdeséchantillonsfrançais,enleurfaisantobserverquelapâtedevaitêtremouluependantuntempspluslongqueceluiqu’ilsyemployaient,quelepapierdevaitoffriruneteinteégale,êtresansnœudsetsansdifférenced’épaisseurquandonleregardaitcontrelejour;qu’ildevaitêtresanscolle,sanstache,sansalun,etqu’unegoutted’eaujetéedessusdevaitpro-duireunlégermamelonenfaisantsouleverlapâte.
Munisdecesinstructions,lesprincipauxfabricantssemirentàlabesogne,etnousleurdevonslajusticededirequelaplupartdesenvoisqu’ilsnousfirentapresleursessais,offraientdesaméliorationsnotables;quel-ques-unscontinuèrentàavancerdanslabonnevoie,
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maisd’autresnefirentpasunmouvementenavant;ilenestmêmequifirentquelquespasenarrière.
Pendantce-tempslesFrançaisallaienttoujoursdemieuxenmieux,etl’onpeutdirequ’ilsnesontpasloindelaperfectionaujourd’hui;maisc’estencoresurdupapierfrançaisqu’onestforcéd’imprimertouslesouvragesdeluxequis’exécutentenBelgique:choseétonnante,c’estquelepapierfrançais,malgréleportetlesdroitsdontilestfrappé,estencoreàmeilleurmarchéenBelgiquequelepapiernational:laFranceenexporteencorepourcinqàsixmillions.
Ondiviselepapierendeuxcatégories:lepapierfa-briquéàlacuveetlepapiermécanique.Lacuvefour-nitlespapiersvergésetvélins,collésounoncollés.Lafabricationdecespapiersesttrès-avancéeenFrance,àAngoulême,àAnnonay,àRives,àSaint-Omer,enAu-vergneetdanslesVosges.
LepapiervélinaétéinventéparlepèredeMontgol-fier,l’inventeurdesballons.Lafabricationdupapieràlamécaniqueaproduitunerévolutiondanslapapete-rie.Voicicommentonestarrivéàcettebelledécou-verte.Pourtriturerlapâte,ons’estlongtempsservidemaillets.Ceprocédéétaittroplong.Verslemilieudusiécledernier,PierreMontgolfierimportalesprocédéshollandaispourlebroyagedeschiffons.Aumoyendecylindresgarnisdelamesd’airain,tournantavecvélo-citésuruneplatineenbronze,dontlasurfacesupé-rieuresetrouvedentéeunpeuobliquement,lapâte,parsuitedumouvementducylindre,tournecontinuel-lementdansuncuvieroblongquel’onnommepile,et,parlemouvementd’attraction,ellerevientsanscessesebroyerentrelecylindreetlaplatine.C’étaitune
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grandeamélioration:ilnes’agissaitplusquedelacom-bineravecunetoileàvélincontinueetlecollageàlacuvedesfrèresCanson.Cettetoilefuttrouvéeen1799parLouisRobert,employédelapapeteriedeLégerDi-dot,àEssonne;c’estcequisuggéral’idéedelamécaniqueàpapier.LégerDidotpassaenAngleterre,et,associantsestalentsàceuxducélèbreDonkins,ilparvintàtrou-verlamachinequinefutimportéeenFrancequ’en1812parM.Berthe,maiselleétaitloind’êtreparfaite.Lepapiersortantdedessuslatoileétaitmûsurunfeutretournant,puiss’enroulait,humide,suruneplanchettedontlasurfacevariaitsuivantleformatquel’onvoulaitobtenir;oncoupaitlepapiersurcetteplanchette,puisonlefaisaitsécherenfeuillessurdescordestenduescommedansl’anciensystème.
En1823,M.Maupoumontaunemachinecomplète,alaquelleétaitappliquélesystèmedeséchageàlava-peur.Ons’emparadecettenouvelleidée,et,depuislors,lapapeteriemécaniqueadonnéàbasprixetpromptement,desproduitsd’unebeautéetd’unequa-litésupérieures.
Cespapiersavaientunenversetn’étaientpassatines;M.Menet,directeurdelafabriqued’Essonne,vientd’yapportercesdeuxderniersperfectionnements:cespa-piers,dontnousavonsprisdeséchantillonssurlama-chinemême,sontd’uneblancheuréblouissanteetd’uneégalitéparfaite.
Cetétablissement,danslequelnousavonsobtenulararefaveurd’êtreintroduit,possèdetroismachinesquimarchentnuitetjour;ellessontentretenuesparunevingtainedepilesmuesparunechuted’eaudeplusdequatre-vingtschevauxdeforce.
Lestroisrouesàaubesquilesmettentenjeu,ontcinqmètresdelargeursurhuitdediamètre;ellesres-semblent,entoutpoint,auxrouesdesfameuxmoulinsdeTramoy,quionttoutelaSaônepourmoteuraupontdeGray.
Uneobservationdigned’êtregénéralementrépandue,c’estquelesmoulinsd’Essonnen’ontpaschôméunin-stantpendantlerudehiverde1837,tandisquetouslesmoulinssituéssurcemêmecoursontétéprisparÎlesglacespendantprèsdedeuxmois.
LeprocédéemployéparM.Menetestfortsimple,etnouslerecommandonsàtousnosmeuniers;c’estdenepasarrêteruninstantlesrouespendantlagelée.Ilpa-raitquelemouvementempêchelescristauxdesefor-mer,oulesbriseàmesurequ’ilsseforment.
Ilyadanscettepapeterieplusieurscentainesd’ou-vriersquitousyontleurhabitationetleurjardin.Letriagedeschiffonss’yfaitavecunsoinparticulier,etleblanchimentauchlorealieusurlapâteégouttée,aprèsqu’elleadéjàsubiunepremièretrituration.
Cettepâte,enlevéedespilesàdégrossir,estplacéesouslapressehydrauliquequienexprimel’eau;onlajetteensuitedébourrée,enmorceauxd’environunki-logramme,dansdelongscoffresenbois,biencalfatésetdontlesportessonthermétiquementcolléesavecdesbandesdepapier;onyenvoieensuitelechloreenva-peur,quipénètretoutelamasseetluidonneunblancdeneige.Lechloren’auraitpastoutesonactionsilapâteétaitsèche,etilseraitabsorbéparl’eausicelleétaittrophumide.L’étatdemoiteurestceluiquiréussitlemieux.
Nousnerévélonspeut-êtreiciquedessecretsfort
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connus;maisM.Diericks-Dumortier,fabricantdepa-pieràGand,auquelnousavonsprocurél’entréedecettefabrique,àdûprofiteravecaviditédebeaucoupd’autresdétailsdontnousn’avonspu,sansdoute,saisirtoutel’importanceaussibienqu’unhommedumétier.Noussupposonsqu’ilvoudrabienenfairepartàsescon-frères,auxquelsnousrecommandonslespapiersdecetteusinecommed’excellentsmodèlesàimiter;ilestvraiquecetétablissement,quiapossédélapremièremachineàpapiercontinu,jouitd’unavantageréelsursesrivaux,parsonvoisinagedelacapitale,oùilentre-tientdesagentspourdécouvrirlessortesdepapierquimanquentsurlaplacedeParis.Aupremieravisexpé-diéàlafabrique,onsemetàcomblerleslacunes,et,deuxoutroisjoursaprès,lesvidessontremplisdanstouslesmagasins.
LesfabriquesdesVosgesetdel’Auvergneontbienaussileursagents,maisl’éloignementneleurpermetpasd’opéreraussitôtqueceuxd’Essonne,etd’ordinaireellestrouventlaplaceprise.Voilàcequis’appelledusa-voir-fairelégalenindustrie;maisn’est-ilpaspéniblededirequenosfabricants,quipossèdentlesplusfinschiffonsdelin,nouslaissentencoredanslanécessitédetirerdupapierdeFrancepourlasommede500,000?
LaconsommationdelamatièrepremièreesténormeàEssonne,etcommenousdemandionsaudirecteurs’ilnecraignaitpasd’enmanquerquelquefois,ilnousré-ponditquenon,attenduqu’ilavait900,000ouvriersàParisoccupésjouretnuitàluifabriquerdevieuxchiffons,sanscomptertrente-troisautresmillionsdeFrançaisquis’yappliquentavecnonmoinsd’acti-vité.
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Lefaitestquelachiffonnerieestsibienregulariséeaujourd’hui,quelesprixnevarientguère:lademandeamènetoujoursl’abondancequin’occasionnequ’unmouvementrétrogradedepeudedurée.C’estunesortedemaréedontlefluxetlerefluxsontfortpeusensi-bles,surtoutdepuisquelesvieuxcâblessontvenuss’adjoindreauxchiffons.Cesvieuxcordagessontdé-pouillésdugoudronparl’ébullition,puisdécordés,pilésetblanchis,parl’admirableinventiondeChaptalquis’appliqueàtouteslesmatièresvégétales,nontoutefoissansenaltérerunpeulafibre.Malheureusementbeau-coupdefabricantsnégligentdelaverlechiffonblanchiauchloreavecassezdesoin,pourquetoutcetacidesoitneutralisé.Ils’ensuitquecepapiernetardepasàtomberendeliquium.Ilestvraiquelelavageprolongéemportetoujourslespartieslesplusténuesdelapâte,cequiestuneperteréellepoureux;maislapertedeleurréputationestencoreplusàredouter.
Lemodedeblanchirlechiffondansdescoffresestvicieux,encequelapâtesupérieureesttropattaquéeparlechloregazeux.Nousproposonsdeplacerlapâtedansdelongscylindresquirecevraientunmouvementderotation,pourmettreplusuniformémentlapâteencontactaveclechlore.
Dureste,nousindiqueronsauxconsommateursunmoyendereconnaitresilelavagedelapâteaétébienfait:c’estdeversersurlepapierunegouttedeteinturedetournesol.Silateinturevireaurouge,lepapiercon-lientencoreduchlore.
Commelafraudes’introduitpartout,onenestarrivéàmettreduplâtredanslepapier,tantpourenaugmen-terlablancheurquelepoids.Nousenavonspâtipen-
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dantlongtemps;cariln’yariendeplusredoutablequeleplâtre,l’alunetlechlorepourlalithographie;voilàpourquoinousnousdécidonsàcommuniquerauxpa-petiersquiveulentfairefoisonnerlechiffon,unmoyend’yparvenirsansdanger.
Papierdecrottin.
Puisqu’onfaitdupapierdepailleetdefoin,prenezcesmatièresquiontdéjàsubiunepremièretriturationetunpremierblanchimentsousladentetdansl’esto-macdeschevaux:lecrottinestengrandeabondancepartout,chaquechevalpeutdonneraisémentunkilo-grammedepapierparjour;unecasernedecavaleriepourraitentretenirdepapiertoutleministèredelaguerre.Desessaisenpetitquenousavonsfaitsdepuisplusdedouzeans,nousontprouvéquelecrottinseblanchitparfaitementetfournitunetrès-bonnepâteàpapier.
Ilestétonnantquel’onn’aitpasencoresongéàcettematièrepremière,quandonmarchedessustouslesjours;maiscesontleschosesquivouscrèventlesyeuxquel’onaperçoitleplusdifficilement.
Nousespéronsquetouslespapetiersdumondenousgratifierontd’unetabatièreenpapiermâchépourcetteimportantecommunication.
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Chaquefabricantpossèdequelquespécialitédanssafabrication.
Montgolfier,quiproduitunmilliondekilog.depapierparan,estenpossessiondefairelepapieràcalquertranslucideetlescartonsàsatiner.
Lasociétéd’Écharcon,quifabrique600,000kilog.,faitdupapierdevarechetdupapierdebois.
Blanchet,deRive,alemonopoledupapierderegistre.
Griffon,prèsdeSaint-Omer,fabriquelepapieràdessineretàlaverlesplans.
Bretonfrères,àPont-de-Caix,fabriquedebeaupa-pierdeChine.
Tavernier,deProuzel,fabriquelepapiernoirpourenvelopperlestissusblancsetlégers.
Cardon,àBuget,fabriqueavecdevieuxcâblesdupapiergoudronné,pourledoublagedesnaviresetl’em-ballagedelaquincaillerie,quecepapierpréservedelarouillejusqu’àuncertainpoint.
M.May,deParis,fabriquedupapierdebananier,très-blancettrès-tenace.
Hérigoyen,delaHaute-Vienne,fabrique500,000kilog.depapierdepailledeseigle,decouleurnaturelle,maispouremballageseulement.
Nousnepouvonsquefairel’élogedespapiersdiversdeM.LacroixetdeDurandeaud’Angoulême.
Lagrandeblancheurdupapierconstitueundesesprincipauxmérites;maisonnel’obtientqu’auxdépensdesasolidité.C’estuneaffairedemodedontonrevien-dra,carcetteblancheuréblouissantefatiguelesyeuxetn’estpasdanslanature.
DéjàCh.Nodicrafaitfabriquer,poursesouvrages,unpapierdontlateintenankinéeserapprochedecelle
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desElzevirsetdeslivreschinois.LesAllemandsaussiimprimentsurdupapiernonblanchi,quiprésenteletripleavantaged’êtremoinscher,plussolide,etdenepasaffecterlesyeux.Nosabonnésnesedoutentseule-mentpasquec’estdansl’intérêtdeleurvuequenousfaisonsdonneraupapierdenosjournauxuneteinteenaugmenteleprix.Mieuxvaudrait,commebleuâtrequil’ÉchoduLuxembourg,leurdonnerdupapierbis,quin’auraitsubiaucunepréparationdeblanchiment.Maislecapricedelamodenousafaitoutre-passerlebut,quandilprésentaitleméritedeladifficultévaincue;leblancétantdevenuaujourd’huilagrosselettredelapa-peterie,espéronsqu’onreviendrasursespas,etque,souspeud’années,enrétrogradantunpeu,nousarrive-ronsàlaperfectiondenospères.
Nousavonsvuàl’expositionunemachineàcouperleschiffonsfortingénieuseenapparence.Ellesecom-posededeuxcylindres,semblablesàceuxquiserventarefendrelefer;cesontdescisaillescirculairesquis’engrènentd’environuncentimètre.Ellessontgarniesdepointesdeferquientraînentlechiffonetledévorentrapidement.Maisilparaîtquecetappareilnedonnepaslerésultatqu’onenespérait,puisquel’oncontinueàEssonneàfairecouperleschiffonspardesfemmes,bienquel’établissementenquestionpossèdeunedecesma-chines,dontledéfautestapparemmentdenepouvoirtrierleschiffons;desorte que,malgrélerésultatqu’onenobtiendrait,lesouvrièresdevraienttoujoursêtreemployéesàcettebesogne:ellesontdonctoutaus-sitôtfaitdelespassersurlescouteauxplantésdevantelles,etdelesréduireenpiècesgrandescommelamain,avantdelesjeterdanslespiles;tantilestvraiqueles
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machinesintelligentesauronttoujourslapréférence,touteslesfoisqu’ilseraquestiond’éclectisme.L’encol-lageestfaitàlarésine.Unhabilechimisteestattachéàcetétablissementquasi-patriarcal,puisqu’ilesthabitedepèreenfilspardesfamillesd’ouvriersquinelequit-tentjamais.
Lafabricationdupapieraceladebonqu’ellepeutoccuperutilementlafamilleentière,femmes,enfantsetvieillards.
Lacraintedemanquerdechiffons,quiavaitsaisitoutlemondeilyaquelquesannées,adonnénaissanceàunefouledesuccédanées,etl’onenestarrivéàfairedupapieravecpresquetouteslesmatièresvégétalesdepuislesortiesetleschardons,jusqu’auboispourrietàlasciureinclusivement.M.Menetnousamontrécinquanteéchantillonsdepapiersdifférents,etunAllemandafaitcadeauànotreministredestravauxpublicsdu’nlivrequiencontientplusieurscentainesd’espèces.
Lepremierpapierdepailleessayéen1825,etdontlecomtedeLasteyrienousavaitapportélespremiersessais,étaittropfriable;M.Menetarepriscettefabri-cation,etilaeupourrésultatunpapiersolidecommeduparchemin:celatientprobablementàladifférencedutraitementqu’ilafaitsubiràlapaille.
Nousaussinousavionsdécouvertdepuisassezlong-tempslamatièrelaplusabondanteetlamieuxdisposéeàfairedupapier;nouslarévélâmesàM.Menet,maisilnousfitvoirdansunedesesnotesqu’ilyavaitdéjàpensé.Ils’enoccupeaujourd’hui;s’ilréussit,lechiffontrouveraunautreemploi,etnousnedoutonspasqu’onneparvienneàledébourrercommenousavonsvuàManchester,en1833,unfabricantdébourrerleschif-
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fonsdelaine,lesfileretlestisseravecunelégèreaddi-tiondenouvelleslainespourenfaireundrapgrossier,àl’usagedeshabitantsdelacampagne.
C’estainsiquel’industrienousoffreuneincessantepalingénésiedelamatièrequelegénieétreint,assouplitettransformeàsongré.
Siquelquesouverain,quelquenouveauColbert,pou-vaitsepersuaderdel’importancedesrichessesencorecachéesaufonddelamineindustrielle,dontonn’ex-ploiteencorequelesaffleurements,ilsencourageraientdetouteleurforceleshommesqueleurinstinctpousseas’ylivrer.
LaBelgiqueestmieuxposéequ’aucuneautrenationpourentrerdanslacarrièredesperfectionnements;elledevraitdoncattireràelletouslesinventeursouimpor-tateursétrangersparunsacrificebienléger,bienin-signifiant,etdontl’appâtsuffiraitpourlesdéterminerànousapporterdepréférencetouslesperfectionnementsquipullulentencemoment,avecuneabondancetou-jourscroissante.
Ceseraitdeleuraccordergratuitementdesbrevetsd’inventiondedixans,pourtouteslesindustriesincon-nuesdanslepays,sansexamens,sansretards,sanschicaneetsansobservations;lestribunauxétantlàpourredresserlesabusquipourraientenrésulter.Telestd’ailleurs,saufl’argent,l’espritdelaloidesbrevets,etc’estcequ’ilyadeplusrationnelpourleprésent.
Sicelaétait,nousrépondonsqu’avantcinqans,onauraitintroduitenBelgiquetoutescespetitesfabrica-tionsquifontprospérerLondresetParis.
Engénéral,l’étrangerquiimporteuneinventionestunhommeaventureux,entreprenant,quivientéperon-
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ner,enthousiasmerl’indigène,etlefairesortirdecetteapathiedanslaquelles’endormentvolontiersleshabi-tantsdescontréesquijouissentd’uncertainbien-êtreprésent,enattendantqu’ilssoientréveillésparlebruitdessuccèsd’unvoisinplusalerte.
Lespeuplesontbesoind’êtrecroisés,pourainsidire,avecdesvoyageursintelligentsquilessecouentetlesentrainent.Cesontles60,000aventuriersquel’Améri-quereçoitannuellementdepuiscinquanteans,quiontinoculéauxÉtats-Uniscetespritentreprenantdontonnepeutsedispenserd’admirerlesrésultats.
Laissezdonclesinventeursétrangersnousapportercesnombreusesindustriesquinousmanquent;donnez-leurdesbrevetspourlescinquanteespècesdelampes,plusingénieuseslesunesquelesautres,quientretien-draientdesfabriquesdebronze,desferblantiers,desmouleurs,desgraveursetdesestampeurs,parmilliers,etquinousépargneraientlasortied’undemi-milliondecechefseulement.
Donnez-leurdesbrevetspourl’horlogerie,dontnoustironspour860,000francsdelaFrance;donnez-leurdesbrevetspourtoutescescafetières,pipesettaba-tières,cespommadesetsavons,etpourtoutecettefa-milledeseringues,clysoirs,clyso-pompes,clysobo-les,etc.,quinesefabriquentpascheznousetquinouscoûtentprésde700,000francs.paran.Donnez-leurenfindesbrevetspourtouscespetitsriensencuir,enivoire,encorne,enpaille,enécaille,ennacre,enjonc,enambre,encorail,enfaussesbijouteriesetenbimbeloteries,quinoussoutirentdesmillionsetquenouspourrionsfabriquericipluséconomiquementaveclesmatériauxetlesouvriersdupays.
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Accaparerlamain-d’œuvreestaujourd’huilegrandsecretdelaprospéritéd’unpays,etnousnel’auronsjamaisenpersévérantdanslesystèmesuivijusqu’icienverslesimportateursétrangers.
Nousledisonsavecregret;sil’onexceptelesgrandesindustriesdelahouille,dufer,desdrapsetdesarmes,nousnefabriquonsrienenBelgique:nousrevendonsseulement,enlaissantprofiterl’étrangerdelamain-d’œuvre.Cetétatdechosesnesauraitdurersansnousappauvrir;CarnouspayonstouslesansàlaFranceseule40millionsdefrancs,dont,endéfalquant7à8mil-lionsdevins,nouspourrionsépargnerunetrentaine,enattirantcheznouscettemultituded’industriesse-condairessifructueuses,sinécessairesaupacotillagemaritime.
Ensuivantleplanquenoustraçons,etenfondant,selonl’idéed’undenosministres,uneexposition,unbazarperpétuel,offrantdeséchantillonsdetoutcequisefabriquedanslepays,lescapitainesdenaviresétran-gers,quisontobligésdepartirsurlest,pourraientsecompléterdeschargementsavecunefouled’objetsdequincaillerieetdemercerie,dontlescourtiersmêmeignorentl’existenceoulelieudeproduction,oulenomduproducteur.CarledéfautdepublicitétueenBelgi-quetouslesétablissementsnaissants.
Quiasu,parexemple,qu’unhabilechimistepolonaisétaitparvenuàfonder,àBruxelles,unefabriquedetouteslesespècesd’allumettesquenoustironsdelaFranceetdel’Allemagne;quecesallumettessontdebeaucoupsupérieuresàtouteslesautres,etquesafa-briqueestmorte,fauted’êtreconnueouencouragée?Quelobstaclepourraits’opposeràlafabrication,enBel-
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gique,desjoujoux,desperlesfausses,deslorgnettes,desagrafes,desbonbonnières,desbreloques,duclin-quant,descuirsàrepasser,desmanchesdefouet,descannes,descravaches,desmèchesàquinquet,despainsacacheter,destire-bouchonsetdesbriquets?Pour-quoin’avons-nouspas,nousquilivrons12millionsdekilog.dezincàlaFrance,l’habiletédefaçonnercessur-toutsdetable,cesplateaux,cesporte-carafes,estam-pés,peintsetvernissés?Faisons-nousseulementdeséteignoirs,desverresdemontreetdesplumesdefer?Savons-nousemboutirlatôleetrepousserlesmétaux?Travaille-t-oncheznouslescordesàboyauxetlesau-tresdébrisd’animaux?Onignore,pourainsidire,s’ilexisteenBelgiquedesfabriquesdecrayons,d’épinglesoud’aiguillesàcoudreouàtricoter.Maisonsaitquenousachetonsdetoutesceschosesàl’étrangerpourlasommededeuxmillionsetdemi,etpourseptmillionsdecuirsetdepeaux,travaillésparnosvoisinssoustouteslesformes.
Nedussions-nousrienexporterdetoutcela,lacon-sommationintérieurenousseraitacquise;nosouvriersytrouveraientdel’emploi,etnosmatièrespremièresaussi.Nouslerépétons,lespaysquinouslivrenttoutesceschosesnesontpasplusfavorisés,etilslesontsou-ventbeaucoupmoinsquenousparlapositiongéogra-phique,lebasprixducombustibleetlafacilitédescommunications.Certes,nosmagasinssontbrillants,leursvitrinesbiengarnies;ontrouvedetoutenBelgi-que,maisonn’yfaitpresquerien.
Quenoustirionsdel’étrangerduvin,deshuilesd’oliveetdefaine,desoranges,descitronsetdesden-réescoloniales,riendemieux;maisnousdevrionsavoir
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l’amour-propredene rienen importerdetoutce quenouspouvonsfaireàaussibonmarchéquenosfournisseurs.Sommetoute,l’économiepolitiqueindustrielledoitserésumerpournousendeuxmots:Gagnonslamain-d’œuvre.
Onnouspardonneradenousêtrelaisséentrainer,àproposdepapier,dansunplanderévolutioncomplètedenotremanièredefaireenindustrie.Noustairesurl’étatdéplorableoùnouslatrouvons,aprèsavoirvucelledel’étrangersivariéeetsiprospère,seraitman-querlebutdenotremission.
Garder lesilencesur lesmoyensquinoussemblentpro-presàlaraviverseraituncrime;etd’ailleursnousneconstaterl’accomplissementdelaprédictionvenonsquequenousavonsfaitedepuisplusieursannéesetquevoici:«C’estuneerreurdecroirequelesindustries»nouvellesviennentd’elles-mêmess’établirdansun»petitpays;cinqcentsbrevetsontétérefusés,cinq»centsinventionsrepoussées;pasunenes’établira»parminoussanslaprotectiond’unbrevet,garantis-»santtantbienquemal,àl’importateur,lerembour-»sementdesespremiersfraisd’établissement,avant»qu’unconcurrentpluspuissantparvienneàl’écraser.»
Cettesinistreprédictionnes’estquetropréalisée:ilestdoncurgentd’entrerdansunsystèmediamétrale-mentopposé,sinousnevoulonspasquenosvoisinsnoustraitentdefanfaronsd’industrie,commesiln’yparaissentquetropenclins.
Voici,àcesujet,cequenouslisonsdansleMoniteurofficieldeFrance,àproposdesmachinesàpapierdeM.Chapelle:
«Surdixmachinesfourniesparl’étranger,cinqappar-
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tiennentàlaBelgique,qui,bienquetrès-avancéedansl’artdeconstruirelesmachines,vientacheterenFrancedesappareilsfabriquésavecsespropresfontes,sesproprescharbons,etquipayentparconséquentlesdou-blesdroitsd’importationetd’exportation,lesdoublesfraisdetransport,etc.Depareilsfaitsn’ontpasbesoindecommentaires,etl’onestforcédereconnaitreque,pourlutteravecsuccèscontreleshabilesmécaniciensdecettecontréesifavoriséeparl’abondanceetlaqualitédesmatièrespremières,ilfautavoirfaitdetrès-grandseffortsetatteintunbienhautdegrédeperfectionpourcontre-balancerlesavantagesdelapositiondesmécani-ciensbelges.»
LesperfectionsintroduitesparM.Chapelledanslesmachinesàpapiercontinuserattachentàladanaïde,àl’épurateur,àlamanièrederégleretdeconduirelatoilemétallique,auxpressescreuses,àl’entréeetàlasortiedelavapeurparunmêmeorificedescylindressécheurs,auxpouliesextensiblespourassurerlamar-chedupapier,etaumodederéglerlesfeutressanscourroies.M.Chapelleadéjàvenducinquante-septma-chines,etM.Kœchlintrente.
Lamachinedontnousparlonsestaujourd’huienBel-gique;elleprésente,ainsiquecelledeM.A.Kœchlin,unedispositionaumoyendelaquellelepapierensorttoutcoupéenlonguesbandesdelalargeuretdufor-matquel’ondésire.Cettedispositionn’existaitpasdanslesautresmachines,etl’onéprouvaitdegrandsdéchets,lorsqu’oncoupaitlesramesàl’aided’ungrandcouteauquitraverselatable,ensuivantlesrainuresquiysontménagées.
M.Debergneaexposéunemachineimportéed’An-
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gleterre,dontlebutestderemplacercetteopérationfatigantequiobligelessurveillantsdes’éloignerpen-dantplusieursminutes,chaquefoisqu’ilfautdéchargerunedesbobines.Cettemachineportesurunarbreplu-sieursrasoirscirculaires,aiguisés,quicoupentlafeuilleenbandes,dansl’intervalledurouleausatineuretdesbobines,àmesurequ’elleavance.Cecoupeurenlongattendaitlecoupeurenlarge.MM.DebergneetSpréa-ficoviennentdeletrouver.C’étaitpeut-êtreledernierperfectionnementquimanquâtàlamachineàpapier,àmoinsqu’onneveuilleimprimerimmédiatementlafeuilleenlafaisantpassersousunepressecirculairecontinue,nouvellementinventée.Cesmachinesàpapierétaientcotées,l’une28,000,l’autre30,000fr.:ceprixnousàsembléinfinimentmodéré;ellesétaientautrefoisbeaucouppluschèresetbienmoinsparfaites.
NousvoudrionsvoirlePhénixentreprendrelafabri-cationdecesmachines,dontilfaudraencoreungrandnombrepourrenouvelerlesnombreusesfabriquesdepapierdetoutel’Europe,quiserontforcéesdes’enservirpoursoutenirlaconcurrence;carl’emploidupapiervatoujourscroissant,etlegouvernementrepré-sentatif,lepluspaperassierdetous,adonnéungrandélanàsaconsommation.
Nousterminonsl’articledupapierparlalettresui-vante,quicontientdesobservationsd’uneimportancetelle,quenousnepouvonsnousdispenserdelac-cueillir:
«Monsieurlerédacteur,
»Dansvotreintéressantrapport,quimet,pourlapremièrefoispeut-être,leschosesdel’industrieàla
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portéedetousleslecteurs,etlesinstruitsanslesen-nuyer,vousdites,àproposdesmachinesàfabriquerlepapier,quelesChinoisenfontavecdelabourredesoie,etvouspensezqu’onferaitbiendetentercettefa-bricationdanslemididelaFrance,oùlesdéchetspro-venantdescoconssontsiconsidérables,qu’unchimisteacruleurtrouverunbonemploi,ilyaquelquesan-nées,enconseillantdelesfaireserviràl’engraisdesterres.
»Ilestvrai,monsieur,que,pendantbienlongtemps,l’onneconnaissaitguèred’autreemploi,pourlesrésidusdescocons,queceluidelesfilergrossièrementàlamain,cequidonnaitunmauvaisfiltrès-irrégulier,ap-peléfiloselle,servantàfabriquerdesbaspassablementgrossiersetportésdanslepaysmêmedelaproduction;mais,depuisplusieursannées,labourredesoieaétéappeléeàjouerunplusgrandrôledansl’industriedutissage.D’abord,LyonetNîmesl’ontemployéeavecsuccèsàlaconfectiondeschâlesfaçoncachemire,quionteuungranddébouché;et,depuistroisans,l’Angle-terreestparvenueàperfectionneràtelpointlecardageetlafilaturedelabourredesoie,dontelleréussitàfaireunfilsirégulieretsisolide,qu’ellel’exporteenFrancemêmeoùnosmanufacturiersdechâlesetdetissuscachemirefrançaisl’emploientavecbeaucoupdesuccès.Cefil,danslespremièresqualités,sevendde100jusqu’à120fr.lekilo;c’estaussicherquelabellesoieorgansin.Danslesqualitéspluscommunes,cefil,quiportelenomdefantaisie,entreaussidansunein-finitéd’autrestissusdelainequisontrecherchésettrèsalamodeencemoment.Aujourd’hui,laFrancepos-sèdedesfilaturesdecesmêmesfilsquideviendrontde
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plusenplusrecherchés,surtoutd’aprèslesperfection-nementsquinemanquerontpasdesurgirdanscettein-dustrie.
»Ilestàregretterqueleslonguesetcoûteusestenta-tivesfaitesparlegouvernementpourintroduirel’indus-triesétifèreenBelgique,aientéchouéparundéfautdecoïncidenceentrel’éclosiondesœufsdeversàsoie,etlapoussedesfeuillesdumûrier.Cetteremarque,faiteunpeutardilestvrai,estprobablementcequiauradé-terminélegouvernementàabandonnercettecultureofficielle.»
Onprendunecertainequantitédepailleproportionnéeàlaquantitédepapierquel’onveutfabriquer;onlaplacedansunrécipientavecunequantitédechauxviveégaleauquartdupoidsdelapailleemployée.Onrem-plitd’eaulerécipient,demanièreàcequelapailleetlachauxensoiententièrementcouvertes,etonlaissema-cérerletoutensemblependantdouzeouquinzejours,suivantlaquantitédelapailleetselonqu’elleestplusoumoinstendre.
Lorsquelamacérationestarrivéeaupointconvena-ble,onplacelerésidudanslescylindresavecunequan-titédevieuxchiffonsoudevieuxcordages,égaleaudixièmedelapailleemployée,etl’onfaitcylindrerle
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toutensemble,jusqu’àcequelerésiduprésenteunepâteassezbienbattueetassezliquidepourêtreemployée.
Onplacealorslamatièresurlesmoules,etl’onob-tientlafeuilledepapier,qu’onsoumet,pourlafairesécher,auxmoyensordinaires.
Onprendunecertainequantitédepaillequ’onplacedansunrécipientremplid’eau,demanièreàcequelapailleensoitentiérementcouverte.
Onjettedanslerécipientunequantitéd’acidemuria-tiqueégaleauvingtièmedupoidsdel’eauqu’onaem-ployée,etonlaissemacérerletoutensemblependantcinqousixjours,suivantlaqualitédelapaille.
Quandlamacérationestsuffisante,ondéposelerésidudanslescylindresavecundixièmedevieuxchiffonsoudevieuxcordages,oncylindreletoutensemble,etl’onprocèdecommedanslepremiermoyen.
Cespapiersn’ontbesoind’aucunepréparationdecol-lage;ilssontaussietmêmeplusfortsquelespapiersordinaires.
Quantaumoyendeblanchircesproduitspourleurdonnerlacouleurdespapiersordinaires,ilconsisteàjeter,danslapâtebattueparlescylindres,lorsqu’elleestprêteàmettresurlesmoules,del’acidesulfureuxouduchloreenquantitésuffisante,etrelativeàlana-tureetàlaqualitédelapaille.Lablancheurdupapierproportiondelaquantitéd’acideoudechlorequ’onestenauraemployée.
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Papieretcartonsdeboisetderoseau.
M.V.Desgrandapris,àLondres,unepatentepourunprocédéàl’aideduquelilconvertitleboisenpulpepourlafabricationdupapieretducarton.
Voiciquelquesdétailssursamanièred’opérer:quandlesarbressontentièrementdépouillésdeleurécorce,onlesabatetonlesdiviseentronçonsdequatreàsixpiedsdelongueur;ilssontfendusensuiteenfragmentsdedeuxàsixpoucesd’épaisseur,puisencopeaux,ré-duitsenlamesaussimincesquepossible,afindesepé-nétrerplusfacilementdel’actiondelaliqueurquiséparelesfibresligneusesdontilssontformés.
Lorsqu’onaréuniunecertainequantitédecopeaux,deboisblancdepréférence,onlesdéposedansunefosseàl’épreuvedel’eau,etonversedessusunlaitdechauxqu’onylaisseplusoumoinslongtemps,suivantlatempérature,etquiàpourobjetdedissoudrelapartiegommo-résineusedubois.
Quandlescopeauxsontsuffisammentdissous,onlaisseécoulerl’eaudechaux,etonlaremplacepardel’eaupuredestinéeàlaveretàdébarrasserdelachauxlescopeauxquiauraientpuyadhérer.Danscetétat,onlessoumetàl’actiondespilons,quidivisentetapla-tissentlesfibresetlesdisposentàseconvertirenpulpe;cettepulpeestblanchieparlesagentschimiquespropresàcetusage,ettraitéeensuitecommelapâtedepapierordinaire.
Unprocédéàpeuprèsanalogueaétémisenusage
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parM.Dubochet,pourfabriquerdupapieravecdesroseaux.
Cevégétal,dégagedesaracineetdesatête,esthachéenpetitsmorceaux,piléetplacédansunecuveferméepourenopérerlerouissage.Cettecuvecontientunelessivecaustiquecomposéedesoudeetdechauxéteinte.Onversesurcemélangel’eaufroidenécessaire;auboutd’uncertaintempsonfaitcoulerlaliqueur,quimarquede20à25degrés;entraitantensuitelerésidudeuxfois,pourentirerpartidenouveau,onseprocuredeuxautreslessives,dontl’unemarque10à15degrés,etl’autre4à5.
Lebaincaustiquedanslequelonopèrelerouissage,estmisenébullitionaumoyendelavapeur;lapâte,ainsitraitée,estlivréeauxcylindresàbroyeretcon-vertieenpapierparlesmêmesprocédésquelapâteduchiffon.Lepapierderoseauestpropreàtouslesusagesauxquelsonemploielepapierpréparéparlaméthodeordinaire.
Cesdeuxprocédésd’uneextrêmesimplicité,etquitirentpartidessubstancesdeminimeoudenulleva-leur,paraissentdestinésàformeruneindustrieimpor-tanteetàdonnerd’excellentsproduitsàunprixbienmoinsélevéqueceluidespapiersactuels.
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FabricationdupapierdeChine.
M.StanislasJulien(1)vientdefaireunechoseutileànotreindustrie,enpubliantunedescriptiondesprocédésmisenpratiqueparlesChinoispourlafabricationdupa-pierdeChine,descriptionquiesttraduitedel’ouvragechinoisThienkongkaiwe.
Nousconservonslesnomschinoisquipeuventavoirleurutilitépourlescurieuxetmêmepourlesnégociantsquidésireraientfairevenirtelleoutellesortedepapiersdecepays,oùilyenapourlemoinsd’autantd’espècesquecheznous.
Lessubstancespropresàfairedupapiersont:
1°L’écorcedel’arbretchououko-tchou(Broussonetiapapyrifera),
2°L’écorcedumûrier;
3°Lasecondeécorcedelaplantefou-yong(hibiscusrosasinensis),etc.Cepapiers’appellepi-tchioupapierd’écorces;
4°Lesfilamentsdelasecondeécorcedubambou.Cepapiers’appelletchou-tchioupapierdebambou,dontlapâteesttrés-fineetparfaitementblanche;ils’emploiepourécrire,pourimprimeretpourfairedesbilletsdevisite.
(1)Nousavionsobtenu,ilyaunequinzained’années,dugou-vernementhollandais,lesmoyensdefairevisiterleJaponàM.Sta-nislasJulien;c’estlalettreparlaquellenousluiannoncionscettebonnenouvelle,quifitmettreobstacleaudépartdecejeuneetardentpolyglotte,quifutnommépeudetempsaprèsbibliothécairedel’Institut.
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Lepapierleplusgrossierdevientduho-tchi(papierqu’onbrûledanslessacrifices),etdupao-ko-tchi(papieràenvelopperlesfruits).
Lepapierdebambous’appelleaussicha-tsing;iltirealorssonnomdecequ’oncoupelesbambousparmor-ceaux.Onluidonneenoutrelenomdehan-tsing,parcequ’onfaitbouilliretégoutterlapâtedubambou.
L’auteurchinoisajouteplusieursréflexions,quipa-raissentcontrairesautémoignagedesauteurs,deslivresclassiquesetdeshistoriens.Ilserefuseàcroireque,dansl’antiquité,onaitécritl’histoiresurdesplanchet-tesdebambouaminciesetréuniesensembleparunela-nière,oubiensurdesfeuillesdel’arbrepei-to(borassusflabelliformis),commecelasepratiqueencoreaujour-d’huiauThibetetdanstoutel’Inde.
Fabricationdupapierdebambou(1).
Toutlepapierdebambousetiredespartiesméridio-nalesdelaChine;maisc’estdanslaprovincedeFo-kien,quecettefabricationestlaplusflorissante.
Lorsquelespremièrespoussesdebamboucommen-centàsemontrer,onvisitetouslesendroitsdelamon-
(1)Lecabinetdesestampesdelabibliothèqueduroipossèdedeuxrecueilsin-foliodeplanchespeintesenChine,quireprésen-tenttouslesprocédésrelatifsàlafabricationdupapierdebam-bou.L’und’euxestaccompagnéd’explicationsenchinois;dansautre,lesujetdechaqueplancheestindiquéenfrançais.
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tagnequiensontplantés,etl’onchoisitdepréférencelesbambousquisontsurlepointdedonnerdesbran-chesetdesfeuilles.
Aprèsl’époqueappeléeMang-tchong(le5juin),onvasurlamontagnepourabattrelesbambous.Onlescoupeparmorceauxdecinqàseptpiedsdelongueur.Surlamontagnemême,oncreuseunbassin,etl’onyamènedel’eaupourlesfairetremper:depeurquel’eaunevienneàsetarir,onétablitdestuyauxdebambou,quicommuniquentaubassinetyamènentcontinuellementdel’eaudescascadesoudesruisseaux.
Lorsquelesbambousonttrempépendantplusdecentjours,onlesbatavecunmailletetl’onenlèvel’écorcegrossièreetlapeauverte,au-dessousdelaquellesetrouventdesfilamentsquiressemblentàceuxdelaplanteappeléetchou-ma(espècedechanvre).
Onprenddelachauxpremièrequalité,quel’onfaitdissoudredansl’eau;cettebouilliedechauxsemet(aveclesfilamentsdubambou)dansunecuveenbois,quel’onchauffeparlebas.Onacoutumed’entretenirlefeupendanthuitjoursethuitnuits.Lachaudièredemétal(quo’nplaceau-dessousdelacuveenbois),etquidoitêtreexposéeàl’actiondirectedufeu,aordinaire-mentdeuxpiedsdediamètre.
Lacuve,placéeau-dessusdecettechaudière,esten-castréedansunmurcirculaireenmaçonnerie;elleaquinzepiedsdecirconférenceetenvironquatrepiedsdediamètre.Ellepeutcontenirdixchid’eau(lechicontientdixboisseauxetpêse120livreschinoises),etressembleparsaformeetsadimension,àcelledontonsesertdanslaprovincedeCanton,pourpréparerleselmarin.
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Aprèsavoirfinideposercettecuve(quiestsupportéeparunfourneauenmaçonnerie),oncommenceàchauf-fer:auboutdehuitjours(etdehuitnuits),onéteintlefeu.
Lelendemainondécouvrelacuvesupérieure,onenretirelesfilamentsdebambou,etonlesmetdansunbassinremplid’uneeaupurepourleslaveretlesnet-toyer.
Lefondetlesparoisdesquatrefacesinternesdubas-sin,doiventêtregarnisdeplanchesdeboisparfaite-mentajustéesensemble,etdontlesintersticessontbou-chésavecleplusgrandsoin,pourempêcherquedelaterremollenesemêleàl’eau,etnelasalisse.
(Onneprendpointcetteprécautionpourlepapierlepluscommun.)
Aprèsavoirbienlavélesfilamentsdebambou,onlespassedansunelessivedecendresdebois,etonlesremetdansunechaudière;onlesrecouvred’unecouchedecendresdepaillederiz,d’unpouced’épaisseur.
Quandl’eaudelacuveestenébullition,onlesretire,puis,lesmettantdansuneautrecuve,onlesfaittrem-perdenouveaudansunelessivedecendres.
Dèsquel’eaudelacuveestrefroidie,onlafaitchauf-ferjusqu’àl’ébullition,onensortlesfilamentsdebambouqu’onyavaitmis,etonlesarrosedenouveauavecunelessivedecendres.Oncontinuelesmêmespro-cédéspendantdixjours.
Alors,lesfilamentscommencentàrépandreunemau-vaiseodeuretàsepourrir.Onlesretireetonlesmetdansdelargesmortiers,pourlespiler(danslepaysdemontagnes,onatoujoursdespilonsquisontmusparlaforcedel’eau).Quandonlesapilésdemanièrequ’ils
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formentunesortedebouillie,onlaversedansuneaugeenbois.Cetteaugedoitêtreproportionnéeàlaforme,etlaformeàlagrandeurqu’onveutdonneraupapier;quandlapâtedebambouestfaite,l’eaupurequiestdansl’intérieurdelacuve,flotteàdeuxoutroispoucesau-dessusdelapâte;alorsonjettedanslacuveunesubstanceliquideappelléetchi-yo(littéralementdroguedupapier),dèscemomentl’eausetarit,etlapâtede-vientparfaitementpureetblanche.
Pourfairelesformesdestinéesàleverlesfeuillesdepapier,onsesertdefilamentsdebambou,quel’onra-tisseavecsoinpourlesrendremincescommedesfilsdesoie,etl’onenfaituneespècedetissu;cetissusemontesuruncadredeboismunidebarreslégèresquiletraversentenlongetenlarge.
L’ouvrierprendlaformedesdeuxmains,l’introduitdansl’eauetenlèvelapâtedebambou.Ildépenddelui,s’ilsaitdonnerletourdemainconvenable,defaireentrerdanslaformelaquantitédepâtenécessairepourobtenirunpapierminceouépais.Amomentoùlapâteliquideflotteàlasurfacedelaforme,l’eaus’écouleparlesquatrecôtésduchâssisetretombedanslacuve.L’ouvrierretournelaformeetfaittomberlafeuilledepapiersurunegrandetable,oùl’onenentasseainsiunmillier.
Quandlenombreestcomplet,onplacepardessusuneautreplanche,etl’onentourelatableetlaplanched’unelonguecordequel’onserreavecunbâton,commelorsqu’onpresselevin(1).Decettemanière,l’eaucon-
(1)L’undesrecueilsdelabibliothèqueroyaleoffreledessind’unepressequiressemblebeaucoupàcellesquel’onemploieenEurope.
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tenuedanslepapiers’écouleets’égoutteentièrement;ensuite,avecunepetitepincedecuivre,onlèvelesfeuillesdepapieruneàune,etonlesfaitsécherparlachaleurdufeu.
Voicilemoyenquel’onemploie:onélèveavecdesbriquesetducimentdeuxmursparallèlesquiformentuneespècederuelledontlesoldoitêtregarnidebri-ques.Al’ouverturedelaruelle,onallumedufeuavecduboissec.
Lachaleurpénètreparlesintersticesdesbriques,etbientôtcellesdontlaruelleestgarnieendehorssontcomplétementchaudes.Onyapplique(àl’aided’unebrosse)desfeuillesdepapierhumide,onlesenlèveàmesurequ’ellessetrouventsèches,etonlesmetenrames.
Danscesdernierstemps,onacommencéàfabriquerdupapierd’unegrandedimension,appeléta-ssé-lien.Pendantuntemps,leslivresétantdevenustrès-chers,onrecueillaitlevieuxpapier(impriméouécrit),onenenlevaitlacouleurrouge,l’encreoulasouillure,onlefaisaitpourrirdansl’eau,etl’onremettaitcettepâtedanslacuvepourenfabriquerdenouveaupapier;ons’é-pargnaitainsilesdiversesmanipulationsquisontnéces-saireslorsqu’onfabriquelepapierpourlapremièrefois.Cepapierressemblaitexactementàl’autre,etn’occa-sionnaitquepeudedépenses.Cettepratiquen’estpointsuiviedanslemididelaChine,oùlebambouestcom-munctàbonmarché.
Maisdanslespartiesdunord,dèsqu’unpetitmor-ceaudepapiersetrouveparterre,onleramasseavecsoin,n’eût-ilqu’unpoucedelarge,pourl’employeràunenouvellefabrication,onl’appellehohan-hoen-tchi
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(c’est-à-direpapierressussité).Onfaitlemêmeusagedesdébrisdupapierd’écorce(voirl’articlesuivant),soitqu’ilsproviennentdupapierfin,soitdupapiergros-sier.Quantaupapierappelého-tchi(papierqu’onbrûleenl’honneurdesmorts),ettsao-tchi(papiergrossier),oncoupelesbambous,onenfaitcuirelesfilamentsetonlesfaittremperdansunelessivedecendres;enfinonsuitdepointenpointlesprocédésdécritsplushaut;seulement,aprèsavoirdétachélesfeuillesdelaforme,onneprendpointlapeinedelessécherparlachaleurdufeu,onsecontentedelesmettreenpressepourenexprimerl’eau,etdelesfairesécherausoleil.
DansletempsoùflorissaitladynastiedesThang,lessacrificesauxespritss’étantfortmultipliés,oncom-mençaàbrûlerenleurhonneurdesmonnaiesdepapieraulieud’étoffesdesoie(lepapierqu’onfabriquepourcetobjetdanslenorddelaChineavecdesdébrisdepapiers’appellepan-tsien-tchi),c’estpourquoilesfabri-cantsdepapierdestinéàcetusagel’appellèrentho-tchi,littéralementfeupapier,c’est-à-direpapieràbrûler.
Onavudepuispeu,danslespaysdeKhingetdeTsou,deshommesprodiguesqui,enuneseulefois,ontbrûléjusqu’àmillelivresdecepapier.Surtrentepar-ties,onenemploiedix-septquel’onbrûleenl’honneurdesmorts,lestreizeautrespartiesserventauxusagesjournaliers.
Lepapierlepluscommunetleplusgrossiers’appellepao-ko-tchi,c’est-à-direpapieràenvelopperlesfruits;onlefabriqueaveclefilamentdubambouquel’onmêleaveclechaumedurizquiestrestédansleschampsaprèslamoisson.
Quantaupapierdetouteslescouleursqu’onemploie
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pourlesbilletsdevisite,etquisefabriquesurlamon-tagneYouan-chan,onsesertuniquementdelaplusbellepâtedesfilamentsdebambou.
Lepapierleplusestimédecetteespèces’appellekouan-kien,lespersonnesrichesoud’unrangélevés’enserventpourleursbilletsdevisite.Ilestsolide,épaisetsansvergeures.Quandilestcoloréenrouge,onl’appellekie-khien,oupapierpourécriredesbilletsdefélicitations.Oncommenceparlecolleravecunedisso-lutiond’alunblancetensuiteonlecoloreavecdusucdecarthame.
Fabricationdupapierd’écorce.
C’estengénéralàlafinduprintempsouaucom-mencementdel’étéqu’onenlèvel’écorcedel’arbretchou(broussonetiapapyrifera).Pourobtenirdel’écorcedesarbresquisontdéjàvieux,onlescoupeprèsducollet,etonlesrecouvredeterre.L’annéesuivanteilspoussentdenouveauxjets;leurécorceestpréférableàtouteautre.Ordinairement,pourfairedupapierd’é-corce,onprend60parties(littéralement60livres)d’e-corcedel’arbretchou,lorsqu’elleestextrêmementten-dre,et40partiesdefilamentsdebambou;onlesfaitmacérerensembledansunbassinremplid’eau;ensuiteonlesfaitbouillirdansunechaudièreavecdelachauxfsuée,jusqu’àcequ’ellessoientréduitesenbouillie.
Depuisquelquetemps,despersonnesparcimonieuses
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emploientseulementdix-septpartiesdefilamentsdebambou,auxquellesellesajoutenttreizepartiesdechaumederiz.
Ellesjettentdanslacuvecertainsingrédientsdontellespossèdentlarecette,etquiontlapropriétéd’épu-reretdeblanchirlapâte,ainsiqu’ilaétéditdanslechapitreprécédent.
Touteespècedepapierd’écorceestfermeetsolide;iladesraiestransversaleset,lorsqu’onledéchire,ondiraitqu’ilestfaitdefilsdesoie;c’estpourcetteraisonqu’onl’appellemien-tchi,littéralementpapierdesoie;ilfautuncertaineffortpourledéchirerentravers.Lepapierleplusestimédecetteespèces’emploiedanslepalaisdel’empereur;celuiquel’oncolleauchâssisdesfenêtress’appelleling-cha-tchi.CepapiervientdudistrictdeKouang-sin,oùonlefabrique;ilaplusdeseptpiedsdelongetplusdequatrede,large.Lesdifférentescouleursqu’ondonneaupapierd’écorcessepréparentd’avanceetonlesmêledanslacuveaveclapâte.
Decettemanière,onn’apasbesoindecoloreraprèslafabrication.Lasecondequalités’appellelien-ssé-tchi.Lepapierleplusblancdecettesortes’appellehong-chang-tchi.
Lepapierd’écorcesauxquellesonajoutedesfilamentsdebambouetlechaumederizs’appellehie-tié-tching-wen-tchi.
Lepapierfaitavecl’écorcedelaplantefou-yong(hi-biscusrosasinensis),ouautresécorcesdumêmegenre,s’appellesiao-pi-tchi,oupetitpapierd’écorces.DanslaprovincedeKiang-si,onl’appelletchong-hia-tchi.J’ignore,ajoutel’auteurchinois,quellesplantesouquelsarbresfournissentlamatièredupapierqu’onfabriquedansla
provincedeHonân.Danslenord,ilfournitauxbesoinsdelacapitale.Cetteprovinceenproduituneimmensequantité.
Lepapierquel’onfaitavecl’écorcedumûriers’ap-pellesang-yang-tchi,ilesttrès-fortetépais.Lepapier(decettesorte)queproduitlapartieorientaleduTche-kiang,estconstammentemployédanslestroisdistrictsdecetteprovinceappeléeSanou,pourrecevoirlagrainedesversàsole.
Pourfairedesparapluiesetdesécransvernis,onseserthabituellementdupapierappelésiao-pi-tchi(c’est-à-direpapierdepetiteécorce).
Touteslesfoisqu’enveutfabriquerdupapiertrès-longettrès-large,onabesoind’unecuved’unegrandedimension;unseulhommenesauraitmanierlaforme,deuxouvriersseplacentl’undevantl’autreetlalèventenmêmetemps.
Lorsqu’ils’agitdefairedupapierdefenêtres(quiaquelquefoisplusdeseptpiedsdelongetplusdequatrepiedsdelarge),ilfautplusieurs(troisouquatreper-sonnes)pourcetteopération.
Lepapierd’écorcesquiestdestinéauxpeintres,doitêtrepasséd’avanceàl’eaud’alun;alorsl’artisteneren-contrenipoils,niaucuneparticuleligneusequipuisses’attacheraupinceau.
Lapartiedupapierquiestappliquéeàlasurfacedelaformeestregardéecommel’endroit.Eneffet,lama-tièreformepresqueimmédiatementunefeuillesolide,maislesparticulesdepâtequiflottentàlasurfaceluilaissentuneapparencerudeetgrossière(cecôtéestl’enversdupapier).J’ignoreavecquellematièresefaitlepapierdeCoréeappelépe-tchoui-tchi.
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AuJapon,ilyadesfabricantsquineseserventpointdeformepourleverlesfeuilles.Quandlapâtedupa-pierestréduiteenbouillie,ilsplacentunelargepierrebleuesuruneespècedepoêlequel’onchauffeendes-sous;lapierrenetardepasàdevenirbrûlante.
Ilsprennentalorsunebrossesemblableàcelledontseserventlescolleurs,etlatrempentdanslapâteli-quide;ilsenappliquentunecouchemincesurtoutelasurfacedelapierre,etàl’instantlepapierestfait,lesfeuillesselèventl’uneaprèsl’autre(etsemettentenrames).Ilnem’apasétépossibled’apprendresicetteméthodeestusitéeounonenCorée;jenesaispasnonpluss’ilyadespersonnesquilasuiventenChine.
Lepapierappelékiun-hiangtchi,dudistrictdeYong-kia,sefaitavecl’écorcedemûrier.
Lepapierappelésié-tcheou-tsien,quivientdelapro-vinceduSsé-tchouen,sefaitavecl’écorcedelaplantefou-yong(hibiscusrosasinensis).Lorsqu’elleestcuiteetréduiteenbouillie,onyjettelesucdesfleurspulvéri-séesdelaplantemême.Peut-êtreaura-t-ilétéinventéparunhommeappeléSié-tcheou,quiluiauradonnésonnom,souslequelonl’adésignéjusqu’àprésent;maisl’estimeparticulièrequ’onyattachetientàsacouleuretnonàlamatièreaveclaquelleilestfabriqué.
NousajouteronsàladescriptiondonnéeparM.Julien,quelquesdétailssurlafabricationdespapiersderoseauetdebananier(1).
(1)L’articleconcernantlepapierdeChineétaitdestinéàêtreimpriméennote.
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Papierderoseaumarin.
Leroseaucroitdanstouslesterrainsmarécageux,danslesmares,lesétangs,lescanaux,lesrivières.Onletrouve,entrès-grandequantité,surplusieurspartiesdesbordsdel’OcéanetdelaMéditerranée.Cedernier,qu’onappelleroseaumarin,estpréférable.
DanslaplusgrandepartiedelaFrance,leroseaunecoûteraitquelesfraisdelarécolteetdutransportenfabrique,parcequ’iln’apresquepasd’emploietqu’ilpéritsurracine.
Onapuseprocurerduroseauà3fr.,3fr.50les100livres,mêmeenlefaisantvenirdedixàdouzelieuesdedistance.Ilcoûteraitbienmoins,sil’onpassaitdesmarchéspourdegrandesquantitésavecleshabi-tantsdescontréesoùilcroit.
Ilrésultedesnombreusesexpériencesfaitesdepuissixans:
1°Queleroseau,danslesopérationsqu’ilsubitpourêtreconvertienpâteàpapier,perdde60à65pourcent,selonlaqualitéduroseauetlesqualitésdepapierquel’onveutfaire;
2°Queleprixdecentlivresdecettepâte,couleurnaturelleetprèteàêtreconvertieenpapier,revientde20à25fr.,etcelleblanchiede25à30fr.,touslesfraiscompris.
Ilaétéconstatépardenombreuxessaisfaitspardi-versimprimeursdegravuresentailledouceetdetouteespècedelithographies,quelepapierderoseaurem-
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placeavecavantagelepapierdeChinepourcesdiverstravaux.
Ilapareillementétéconstatépardesfabricantsdepa-pierspeints,queleurtravailestplusfacile,quel’impres-sionestplusbellesurlepapierderoseauquesurlepapierdechiffon.
LepapierdeChinesevendàParisde23à26fr.lepaquetdeseptlivres.
Leprixdupapierdechiffonpourtenturesvarieàl’infiniselonsessortesetqualités;lamoyenneestde75à80centimeslalivre.Leroseauneproduisantpasdepapierdequalitéinférieure,celuiqu’ondestineraitàlatenturesevendraitaumoinsauprixmoyendupapierdechiffon.
Lapâtedechiffonsrevientauxfabricantsde45à80fr.etplus,lescentlivres,selonlessortesetqualités;cellederoseaunerevient,d’aprèsdiversesexpériences,quede20à30fr.lescentlivres.
Papierdebananier.
Lebananiercroîtengrandequantitédanslescontréesaméricaines,entreautresdanslesAntilles.Sonfila-mentestd’uneforcesurprenante.Onl’obtient,rendudanslesportsd’Europe,à8et9fr.les100livres.
Danssaconversionenpâteàpapier,ilperddecin-quanteàsoixantepourcentenviron.Cettepâtedevientd’uneblancheurextrême;ellecoûterait,prêteàêtre
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convertieenpapier,de40à45fr.lescentlivres;maiscepapierseraitplusbeauetinfinimentplusfortqueleplusbeauetlemeilleurpapierdechiffon.
LesquantitésdepapierdeChineimportéesenFranceen1835eten1836sesontélevéesà7,062rames,delavaleurde139,240francs.
ehnsmdDCCCS——
INDUSTRIEFRANCAISE.
RAPPORT
SUR
L’EXPOSITIONDE1839,
PAR
J.B.A.M.JOBARD,
CHEV.DELALÉGIOND’HONEUR.DIRACTEURDEMUSÉEDEL’INDUSTRIE.CONMISSAIREDUGOUVERNEMENTBELGEÀPARIS.NEMEONKDELASOCIÉTÉD’ENCOURAGEMENTDEPRAISDEL’ACADÉMIBDEDIJON,DESSOCIÉTÉSROYALESDRLILLE.DELIÉGE.DUMAIXAUT:;PRESIDENTHONORARIEDSL’ACADÉMIEDEL’INDUSTRIE.ETC.
TOMESECOND.
Bruxelles,CHEZL’AUTEUR,PLACEDESRARRICADES,1.
ETCHEZMELINE,CANSETCOMP.
PARIS,CHEZMATHIAS,QUAIMALAQUAIS,15.
1842
RE7
L’Industrie,autrefoisembryonméprisé,LeTravails’sffranchitetsonjougestbrisé.Danssesbrasvigoureuxpresseaujourd’huilaterre.Longtempsemmaillotté,naguèreàlalisière,